Accueil Présentation Contenu Galerie Répertoire Lieux Thèmes


Musique ancestrale des chinois et leurs instruments


 

Gravure sur soie d'instruments de musique - Reproduction © Norbert Pousseur
Gravure sur soie non datée, sans doute chinoise - voir ci-dessous pour détails



 

 

Article extrait de l'ouvrage : "Encyclopédie pittoresque de la Musique",
sous la direction d'Adolphe Ledhuy et Henri Bertini
éditée en 1835


.
De temps immémorial la musique a été cultivée en Chine où elle fut toujours l'un des principaux objets de l'attention des souverains et des magistrats. Erigée en science dès les commencements de la monarchie, elle a joui, chez les anciens Chinois, du double privilège de charmer les cœurs, et de faire les délices de l'esprit.

Les Chinois regardent la musique comme le principe sur lequel ils fondent toutes les sciences. Ils l'appellent la science universelle, la source féconde d'où découlent toutes les autres sciences.
Long-temps avant Pythagore, avant Mercure, et même avant l'établissement des prêtres en Égypte, on connaissait en Chine la division de l'octave en douze demi-tons appelés les douze lu, et on les distinguait en majeurs et mineurs.

Les rapports que les Égyptiens avaient assignés entre les sons de la musique et les planètes, entre ces mêmes sons et les signes du Zodiaque, les vingt-quatre heures du jour, les sept jours de la semaine, etc., ne sont qu'une copie de ce qui avait été fait en Chine, bien des siècles avant que les Égyptiens eussent une division du zodiaque en douze signes, et les noms qui désignent les différents objets de ces rapports.

Les Chinois ont deux instruments, le Kin et le Ché qui réunissent à eux seuls tous les systèmes de musique imaginés et imaginables. Ils ont attribué à quelques-uns de leurs musiciens une puissance merveilleuse qui rappelle les fables des Grecs sur les effets merveilleux attribués à Orphée, à Linnus, à Amphion. Plusieurs auteurs affirment que les Chinois sont les auteurs du système général de musique, et qu'il date du commencement de leur monarchie, c'est-à-dire 2637 ans avant J. -C. Il faudrait des volumes pour analyser tout ce que l'on a écrit sur ce système, fondé, dit-on, sur les lois de l'harmonie universelle.

Les Chinois distinguent huit espèces différentes de sons, et ils prétendent que pour les produire la nature a formé huit corps sonores savoir:
Le métal.
La pierre.
La soie.
Le bambou.
La calebasse.
La terre cuite.
La peau des animaux.
Le bois.

Ces huit sortes de sons sont produits par des instruments particuliers que nous allons nommer dans le même ordre que celui des sons:
Les cloches.
Le King.
Le Kin et le Ché.
Les flûtes, Ty, Siao, et Koan.
Le Cheng.
Le Hiuen.
Les Tambours.
Le Tchou, le Ou et les planchettes.

LE MÉTAL.
Les Chinois regardent le métal comme un cinquième élément; il ont fondu la première cloche pour en tirer le son fondamental et primitif sur lequel ils ont réglé tous les autres.
Ils en fondirent ensuite de manière à compléter les douze lu.
Ces cloches étaient de trois sortes:
Les Po-tchoung, cloches isolées sur lesquelles on frappait pour donner le signal de commencer et de finir la musique et la danse.
Les Tê-tchoung; on s'en servait pour battre la mesure.
Les Pien-tchoung étaient plus petites, et leur son se mêlait à celui des autres instruments.

LA PIERRE.
L'art de tirer des pierres un son propre à la musique est particulier aux Chinois. En les arrangeant dans un certain ordre, on en fit un instrument nommé King, composé de seize pierres de différentes grandeurs; les plus grandes ont trente pouces de long, les plus petites en ont cinq.

LA SOIE.
Avant qu'ils eussent inventé l'art de travailler la soie, les Chinois avaient trouvé le moyen de la faire servir à leur musique et d'en tirer les sons les plus agréables. Ils firent d'abord un instrument composé d'une planche d'un bois sec et léger sur laquelle ils tendirent des cordes de soie. Telle est l'origine du Kin et du Ché. Les auteurs chinois disent que le Kin fut dans l'origine composé de cinq cordes, pour représenter les cinq planètes et les cinq éléments.
Le Ché est fait de bois de mûrier. Il y en a de quatre espèces, de différentes grandeurs, mais tous sont montés de vingt-cinq cordes et rendent tous les demi-tons renfermés dans deux octaves. Chaque corde est portée sur un chevalet, les cinq premières sont bleues; les cinq secondes rouges; les cinq troisièmes jaunes; les cinq quatrièmes blanches; les cinq dernières noires. Elles sont mobiles pour changer les sons quand on le veut.
La grandeur du Ché est ordinairement de huit pieds.

LE BAMBOU.
On dit que ce fut en soufflant dans un bambou pour en faire sortir la moelle que le premier son fut entendu, et que la flûte fut inventée. De là on imagina les tuyaux plus courts ou plus longs pour les sons aigus et graves, etc. C'est ainsi qu'on forma de seize tuyaux l'instrument nommé Siao.
Le Yo était composé d'un seul tuyau percé de trois trous. Par la différence du souffle, on produisait tous les tons de l'octave.
Le Ty est un Yo fermé par un tampon dans sa partie supérieure.

LA CALEBASSE.
Après avoir été séchée et coupée en deux parties, elle sert de corps à un instrument composé de tuyaux, nommé Cheng, dans lequel on souffle légèrement. Il y en avait anciennement de plusieurs sortes. Le Cheng moderne à treize tuyaux ne donne que les douze lu ou demi-tons de l'octave moyenne; le treizième tuyau ne sert qu'à compléter l'octave, car il est la réplique du premier son.

LA TERRE CUITE.
Après plusieurs essais infructueux, les Chinois parvinrent à faire avec la terre cuite un instrument à vent. On prit une certaine quantité de terre très-fine, on lui donna la forme d'un œuf creux dans lequel on souffla et qui rendit le même son qu'avait rendu le bambou vide pour la première fois; alors on le perça de cinq trous, trois sur le devant et deux derrière. On le mit ensuite dans un four où on le laissa jusqu'à ce qu'il fût entièrement cuit. Cet instrument s'appelle aujourd'hui Hiuen.

LA PEAU DES ANIMAUX.
Le son des instruments chinois formés avec la peau des animaux ressemble à celui de nos tambours. Il y en a de plusieurs espèces, toutes différentes les unes des autres, tant par leur forme que par leur dimension.

LE BOIS.
L'instrument appelé Tchou est fait en forme de boisseau. Au milieu de l'un des côtés il y a une ouverture en rond dans laquelle on passe la main pour faire mouvoir le marteau de bois avec lequel on frappe l'instrument. Le manche de ce marteau est arrêté dans le fond par une goupille, afin qu'il ne sorte pas de sa place.
Le Ou a les formes d'un tigre accroupi qui porte sur son dos vingt-sept chevilles semblables aux dents d'une scie. On passe sur ces chevilles une règle de bois appelée tchen pour tirer le son de l'instrument.
Le Tchoung-tou ou les planchettes sont au nombre de douze; elles représentent les douze lu, et l'on s'en servait dans la musique pour conserver la mémoire de l'ancienne écriture, parce que c'était sur de pareilles planchettes que les Chinois écrivaient leurs ouvrages avant l'invention du papier.

Les caractères musicaux des Chinois ne diffèrent des signes de leur écriture ni pour la forme, ni pour la manière de les écrire, qui est par colonnes et en commençant à droite. On distingue les lu en graves, moyens et aigus; ils répondent aux caractères cycliques par lesquels les Chinois désignent les douze heures qui composent chez eux un jour entier, depuis 11 h. du soir jusqu'à la même heure du jour suivant.
Voici les noms des douze lu avec la correspondance aux heures chinoises.

  Noms des Lu Heures Chin Sons Heures
1 Hoang-Tqhoung Tsee Fa XI, minuit
2 Ta-Lu Tcheou Fa d I, II
3 Tay-Tsou Yn Sol III, IV
4 Kia-Tchoung Mao Sol d V, VI
5 Kou-Si Tchen La VII, VIII
6 Tchoung-Lu See La d IX, X
7 Joui-pin Ou Si XI, midi
8 Lin-Tchoung Ouei Ut I, II
9 Y-Tsê Chen Ut d III, IV
10 Nan-lu Yeou V, VI
11 Ou-y Hui d VII, VIII
12 Yng-Tchoung Hai Mi IX, X



La formation des douze lu par la progression triple, depuis l'unité jusqu'au nombre 177,147 inclusivement, date des premiers siècles de la monarchie chinoise; les additions ou corrections qu'on y a faites sont antérieures de plusieurs siècles au temps où vivait Pythagore. Le système général des lu resta long-temps ainsi formé de douze demi-tons, égaux et partagés seulement en lu parfaits, yang, et lu imparfaits, yn; ensuite les Chinois les réunirent deux à deux, un yn, un yang; ces deux sons, joints ensemble, furent appelés tons. Après plusieurs combinaisons, pour faire des lu un arrangement qui représentât un ordre harmonique, on en fit une échelle de cinq tons et deux demi-tons. L'abbé Roussier, qui s'est occupé spécialement de cette matière où il a jeté une vive lumière, prétend que les instituteurs de la musique chinoise suivirent une marche différente de celle indiquée plus haut, et qu'ils prirent pour base un fond de consonances établi sur les sept lu: fa ut sol ré la mi si répétés plusieurs fois dans cet ordre: fa, ut, sol, ré, la, mi, si, fa, ut, sol, ré, la, mi, si, fa, ut, sol, ré, la, etc. Cette suite de quintes est, selon lui, le fondement non seulement de l'échelle et du système des Chinois, mais de toute échelle et de tout système de musique. En effet, on trouve dans les sons de cette série des échelles toutes faites et toutes assorties de leurs demi-tons, sans autre combinaison que celle de prendre les sons de deux en deux: premier, troisième, cinquième, etc.; ou deuxième, quatrième, sixième, etc.

En commençant par fa, on trouve l'échelle chinoise
      fa, sol, la, si, ut, ré, mi;
Par si, on trouve l'échelle des Grecs
      si, ut, ré, mi, fa, sol, la;
Par sol, on trouve là gamme de Gui d'Arezzo
      sol, la, si, ut, ré, mi, fa;
Par ut, on a l'échelle de notre mode majeur
      ut, ré, mi, fa, sol, la, si.

En rétrogradant et commençant par le premier la, on a l'échelle mineure, etc.
Cette combinaison générale expliquerait en même temps tous les systèmes de musique et leur origine commune.
Entre les différentes explications de la génération des lu, il y en a une qui mérite d'être observée, c'est celle de leur formation par les nombres. « Il en est, disent les Chinois, des nombres comme des autres êtres; ils ont leur yang et leur yn, c'est-à-dire les deux principes le parfait et l'imparfait qui, par leur union et leur mutuel concours, produisent dans l'espèce tout ce qui peut être produit. »
« La musique, disent les Chinois, n'est qu'une espèce de  langage dont les hommes se servent pour exprimer les sentiments dont ils sont affectés. Chaque passion a ses tons  et son langage particuliers. Chaque ton a une manière  d'être et d'exprimer qui n'appartient qu'à lui. Le ton  koung a une modulation sérieuse et grave, parce qu'elle  doit représenter l'empereur et la sublimité de sa doctrine.  Le ton chang a une modulation forte, parce qu'elle représente le ministre et son intrépidité à exercer la justice. Le  ton hio a une modulation unie et douce, parce qu'elle  doit peindre la modestie, la soumission aux lois. Le ton  tché a une modulation rapide, parce qu'elle représente les  affaires du céleste empire et la célérité avec laquelle on  doit les traiter.
 Les tons sont les mots du langage musical; les modulations en sont les phrases; les voix, les instruments et les  danses forment l'ensemble du discours. Quand les tons  sont réglés par les lu, si les instruments font entendre ces  tons à propos, si les sons sont mis au ton qui leur convient,  voilà ce qui constitue l'accord le plus parfait; voilà la véritable harmonie; nous n'en connaissons point et nous  n'en avons jamais connu d'autres. »

L'empereur Kang-Hi avait entrepris de faire adopter à ses peuples la musique européenne dont on lui avait expliqué les éléments. Il y employa deux missionnaires pour réduire en préceptes les principes de l'harmonie. L'empereur approuva leur ouvrage; le livre fut imprimé dans son palais et il en distribua à tous les grands de l'empire; mais cet essai n'eut point de succès: les Chinois, accoutumés à entendre parler des lu, des applications des tons aux vertus morales, etc., n'hésitent point à préférer leur ancienne musique.

Tchoung chinois - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Assortissements de cloches de la musique moderne,
comme le Tsien-tchoung l'était de la musique ancienne.

Kouf chinois - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Le Kouf, tambour des chinois (voir aussi ci-dessous, le Pan-Kou, en 6)



 

Gravures extraites de La Chine en miniature, ou choix de costumes, arts et métiers de cet empire
de Jean-Baptiste Joseph Breton de la Martinière, vers 1800 (voir la série consacrée à ce sujet)

5 instruments de musique de Chine en 1800 - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur

1. Le Hien-Pan, un instrument de fer, qui est joué par un bâton, dont l'extrémité est matelassé, il produit un bruit sourd et solennel.
2. Un vase de métal bronze ou autre, joué à la manière d'une cymbale : il est monté sur un support en bois, sur lequel est également placé  le bâton.
3. Un tambour.
4. Un gros morceau de bois creux, en forme d'un poisson, montée sur un stand: il est joué en frappant avec un bâton.
5. Bong-Gui : un autre morceau de bois creux en forme de deux poissons ou monstres de mer unis.

 

7 instruments de musique de Chine en 1800 - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur

6 Le Pan-Kou, une sorte de timbale importante, joué devant l'empereur les jours de l'Etat ;  il est également, porté devant les vice-rois et les principaux mandarins dans les occasions solennelle ou lorqu'ils qu'ils représentent le souverain. Cet instrument est surmonté d'un baldaquin très riche.
7. Tsen, une sorte de guitare à sept cordes.
8. Hien-Lo, une sorte de tympanon ou carillon, composé de dix morceaux de laiton. Un instrument d'effet très similaire est parfois fait de pierres sonores .
9. Une trompette. L'embouchure de cette instrument à vent, au lieu d'être court et plus ou moins ouvert, comme dans les trompettes et clarinettes de l'Europe, est presque cylindrique, c'est à dire d'un diamètre à peu près égal, de la séparation de l'écrou qui l'unit au petit tube.
10. Guie-Kin, une sorte de guitare à trois ou quatre cordes. Dans ce dernier cas, il est appelé le Pipa.
11. Une guitare à trois cordes.
12. Cheng, un orgue portatif, formé de tubes de bambou, fixés dans une grande gourde.

 


Détails de la gravure sur soie en frontispice

Joueur de flute - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Le joueur de flute en bambou

Tambour et gong - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Tambour et gong (en bois, en métal / Tê-tchoung ?)

Joueur de Hiuen - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Joueur de Hiuen en terre cuite (?)

Joueur de cymbales - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Le joueur de cymbales

Joueur d'instrument à percussion - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Le joueur d'instrument à percussion

Joueur de petite timbale - Reproduction de gravure © Norbert Pousseur
Le joueur de petite timbale

 

 

NB : si un spécialiste sait donner un nom à chacun de ces instruments, je serais ravi de pouvoir corriger tout ceci !

 

 


Haut de page

droits déposés
Dépôt de Copyright contre toute utilisation commerciale
des photographies, textes et/ou reproductions publiées sur ce site
Voir explications sur la page "Accueil"

Plan de site Recherches Liens e-mail