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Puisque nous sommes arrivés dans cette salle des croisades, au cri : Dieu le veult ! Montjoie ! Saint-Denis ! cherchons, s'il vous plaît, à reconnaître, parmi ces bannières flottantes, parmi ces casques, ces armures, ces boucliers, ces devises, quelques-uns des noms glorieux de la Bretagne militante et chrétienne. Certes, la liste de ces héros est longue, honorable, bien remplie; mais aussi les Bretons n'y manquent pas.
En effet, parmi les nobles bannières qui brillèrent au soleil des croisades, dans les plaines de Ptolémaïs, sous les murs de Saint-Jean-d'Acre et de Jérusalem, les bannières des enfants de l'Armorique se montrèrent avec éclat. Si les soldats qui les portaient, moins ambitieux ou moins habiles que les Normands, ces fondateurs de royaumes, n'ont point fondé ou conquis des empires, ils n'étaient cependant ni les moins braves ni les moins croyants. Si nous la voulions faire complète, la liste serait longue de ces Bretons illustres, mais, Dieu merci! nous avons pour nous borner et pour nous conduire, la liste des croisés telle qu'elle est écrite sur les murs reconnaissants du musée de Versailles.
Donc, pénétrons, s'il vous plaît, au milieu de cette histoire, peinte en or et en émail sur les murs, sur les colonnes, sur les frises, sur les plafonds de ces salles magnifiques; dans ces nobles pages, toutes remplies de la gloire et de l'histoire des diverses croisades, vous retrouverez la science, l'équité, l'étude sérieuse et patiente, le goût exercé et sévère d'une royale princesse, Madame la princesse Clémentine.
Savante dans l'art du blason, qu'on pourrait appeler la broderie et la dentelle de l'histoire, la digne sœur de la princesse Marie a recueilli, pour venir en aide à l'œuvre paternelle, le nom, les alliances, les armes, les devises des plus nobles maisons de l'ancienne monarchie; elle sait les combats de chacun, et après le combat, elle dit la récompense. Plus d'un titre de noblesse égaré dans la nuit des temps, la noble dame l'a retrouvé avec une patience
infatigable. Elle a écrit, à elle seule, le chapitre sinon le plus important, du moins un des plus difficiles de cette longue histoire que renferme aujourd'hui le palais de Louis XIV, comme si le grand roi était le seul qui fût digne de présider à cette longue épopée de toutes les vertus privées et publiques, pacifiques et guerrières.
Nous, cependant, pour cette histoire de l'armoriai breton, nous n'avons pas choisi d'autre guide que la princesse Clémentine elle-même, car nous savons la justice, la loyauté et la sincère vérité qui ont présidé à cette glorification de tant de combats, de tant de courages, de ces grandes victoires, de ces héros.
Liste des 65 blasons publiés dans cet ouvrage de Jules Janin
Tels étaient les plus illustres croisés de la Bretagne; ils ont eu leur bonne part, sinon dans la récompense, du moins dans la bataille et dans la gloire. Ces noms-là, vous les retrouvez dans toutes les vieilles histoires, dans les chroniques d'Albert d'Aix et de Guillaume de Tyr, dans les livres de Ville-Hardouin et du sire de Joinville.
Ces nobles Bretons étaient à toutes les villes conquises; ils étaient à la bataille de Tinchebray; ils ont été les dignes compagnons des plus excellents capitaines; les premiers à l'attaque., les derniers à la retraite. Grâce à tant de labeurs, l'Orient était devenu une seconde patrie chrétienne; c'était comme le reflet de la France chevaleresque. Les chevaliers du Temple, de l'Hôpital,, de Saint-Jean-de-Jérusalem, soldats qui faisaient vœu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, moines-chevaliers, puissants à l'égal des rois, avaient fait de cette guerre comme une croisade permanente.
La colonie chrétienne était arrivée à son apogée; les Français, aidés des Génois, avaient pris Ptolémaïs, ils s'étaient emparés de Tyr à l'aide des Vénitiens. Le roi de Jérusalem (1131) était alors Foulque, naguère comte d'Anjou, le père de Geoffroy Plantagenet.
Mais bientôt la prospérité, qui vient à bout des plus hardis caractères (Annibal à Capoue!), les disputes religieuses, qui portent le trouble dans les âmes les plus honnêtes, les licences des chevaliers du Temple et de Saint-Jean, amenèrent une cruelle décadence. Les Sarrasins reparurent, et, dans une seule ville (la ville d'Eden), ils égorgèrent trente mille chrétiens et ils firent vingt mille esclaves. Ce fut alors que poussée de nouveau par le spectacle lamentable de ces chrétiens vendus comme des bêtes de somme, et surtout poussée par l'éloquence passionnée de saint Bernard, la France se précipita dans la deuxième croisade, malgré la volonté de son grand ministre Suger. Mais nous avons raconté cette deuxième croisade....
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