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Gravure et texte extrait de l'ouvrage 'Abrégé de la vie des plus fameux peintres' d'Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, édition de 1762, collection personnelle. Annibal Carrache est un de ces hommes rares, que peut à peine fournir un siècle. La ville de Bologne le vit naître en 1560, et son père le destina à son métier de tailleur, ensuite on l’employa à l’orfèvrerie. Louis qui voyait en lui une supériorité de talents peu commune, lui donna avec plaisir les premiers éléments de son art. Ses progrès rapides répondirent à son attente. Annibal n’était occupé que de la peinture ; plus courageux qu’Augustin, il ne cherchait les difficultés que pour avoir la gloire de les vaincre ; une exécution vive et facile accompagnait ce beau feu. Il partit pour la Lombardie, et encouragea Augustin à le venir joindre à Parme ; il lui exaltait dans ses lettres, les beautés du Corrège, en convenant qu’il n’était rien en comparaison de ce grand homme. Augustin, après avoir fini plusieurs planches, partit pour Parme ; il y laissa son frère très occupé à copier le Corrège, pour se rendre à Venise où ils se rejoignirent : quelque temps après, Augustin lui procura la connaissance du Tintoret, de Paul Véronèse et de Jacques Bassan. Le style de ces grands hommes anoblit le sien ; il réforma son goût de couleur, et rapporta à Bologne une manière si forte et si élégante, que Louis et Augustin sans en être jaloux, abandonnèrent leur première manière et suivirent la sienne. Annibal en ce moment remportait une victoire complète. il devenait secrètement leur maître. Son but était d’unir en sa personne les talents des plus fameux peintres ; le grand, le beau nu de Michel-Ange, la douceur du Corrège, la vérité du Titien, les belles idées et les grâces de Raphaël, et les contours gracieux du Parmesan. Il n’y a eu guère de peintre plus fécond qu’Annibal, fournissant à tous ses ouvrages et à ceux de ses disciples, qu’il retouchait sur le champ. Raphaël et le Tintoret sont les seuls qui puissent lui disputer cette abondance de génie. Grand dessinateur, grand paysagiste, son goût de dessin était plus fier que celui de Louis. Comme il entendait souvent louer la prudence et le grand jugement que faisait paraître Augustin dans les tableaux, il devint plus attentif et plus modéré dans la fougue de dessiner ; il méditait plus ce qu’il faisait. Un jour qu’Augustin, dans l’académie, décrivait par des discours éloquents les beautés du Laocoon, Annibal s’approcha de la muraille, et dessina cette figure si parfaitement, que tous les spectateurs en furent étonnés. Il dit en se retirant, que les poètes peignaient avec des paroles, et les peintres avec le pinceau, voulant parler d’Augustin qui se mêlait de faire des vers. Annibal peignit de concert avec les deux Carraches des morceaux surprenants, dans les Églises et dans les palais de Bologne. C’est ainsi qu’il terrassa les autres peintres de Lombardie ; le goût maniéré disparut ; on ne suivait plus que le sien. Il montrait tout son art à ses disciples, il leur fallait remarquer dans les Églises les fautes des autres artistes, et il retouchait volontiers leurs tableaux. Annibal, quoique sans études, était heureux dans ses réparties. Pour faire connaître à un de ses disciples combien il était ridicule d’avoir trop de soin de sa parure, il fit son portrait chargé, et lui en fit présent ; il n’en fallut pas davantage au jeune homme pour se corriger. Il aimait que l’on fût simple dans ses habits, et que l’on ne s’entretint qu’avec ses pareils ; Augustin au contraire, toujours bien vêtu, ne fréquentait que la noblesse. Annibal qui se moquait de sa manière de penser, lui envoya un jour le portrait de leur père qui enfilait une aiguille, et de leur mère qui coupait une étoffe, pour le faire souvenir qu’il était fils d’un tailleur. Augustin était accoutumé à ces petites mortifications, et à des critiques continuelles de sa part. Annibal avait quitté Bologne en 1600, et avait été envoyé à Rome par son cousin Louis pour peindre la galerie Farnèse. Quel plus sûr moyen de s'immortaliser ! Le secours d’Augustin qui était à Rome, lui fut très utile dans cette entreprise, et il ne sentit combien son érudition et ses conseils lui étaient nécessaires, que quand sa jalousie l’eut forcé à s’éloigner de Rome. Le Prélat Agucchi qui était son ami, y suppléa par son savoir. Annibal n’avait jamais voulu lire I'histoire et la fable, ainsi la poétique de la peinture lui a manqué totalement. Augustin et Louis, en lui fournissant des pensées, l’avaient toujours secouru. Qui croirait qu’un travail de cette importance eût été si mal récompensé ? Travail dans lequel le Poussin disait qu’Annibal avait surpassé tous les peintres qui l’avaient précédés, et lui-même aussi. Le chagrin qu’en eut le Carrache, lui fit abandonner la peinture pour quelque temps ; ce fut pour lui le coup de la mort. Pour dissiper son ennui, il entreprit dans l’Eglise des Espagnols, la chapelle de san-Diego, où il peignit deux ovales ; la goutte le prit pendant ce travail qu’il avait commencé avec l’Albane : ce disciple l’assista dans la maladie, et continua la chapelle dont Annibal avait fait tous les cartons, et peint à l’huile le tableau d'autel : il partagea noblement avec l’Albane les deux mille écus, prix convenu pour cet ouvrage ; il voulait même qu’il en eût les trois quarts, comme y ayant plus travaillé que lui. Son désintéressement parut en plusieurs occasions ; il laissait souvent son argent sur la table à la vue de ses disciples. La goutte le reprit, et lui fit longtemps garder le lit. Un peu de débauche de femmes, et son fond de chagrin le mirent dans un état à faire craindre pour là vie : on lui conseilla d’aller prendre l’air de Naples ; ce fut sans succès. Il essuya de nouveaux chagrins au sujet d’une Vierge qu’il peignit pour donner des preuves de son savoir aux Jésuites, afin d’être employé dans les grands ouvrages qu’ils promettaient de faire dans leur Église du Jesu-nuovo. Ces pères choisirent Belizaire, qui, accompagné de peintres complaisants, blâmèrent ce tableau, et on ne rendit point justice au grand Annibal, qu’on taxa même d’avoir peu de génie. Annibal se voyant ainsi méprisé, et ayant encore manqué l’ouvrage de l’Eglise de Spirita santo, voulut s’en retourner à Rome, malgré les grosses chaleurs, qui lui causèrent en revenant une violente fièvre ; on le saigna mal-à-propos, et l’on perdit ce grand peintre en 1609, à l’âge de quarante-neuf ans. C’est ici le lieu de dire, d’après l’illustre Dufresnoy : Quos fedulus Annibal omnes in propriarn mentem atque modum mira arte coegit (De arte Graphiça, v. 535). En effet, ce grand artiste a tout réuni en lui ; et la peinture qui a commencé à décroître après sa mort, a toujours descendu depuis. Annibal Carrache était un homme sans façon, peu poli, mal habillé, toujours seul, aimant les gens au-dessous de lui, jaloux de sa réputation, méprisant en vrai philosophe, les grandeurs de ce monde. En veut-on une preuve plus évidente, que dans une visite que lui rendit le cardinal Farnèse ; il s’enfuit par une porte de derrière, laissant à ses disciples le soin de le recevoir : jaloux des différents talents de son frère Augustin, il ne le fut pas moins du grand mérite de Louis et de ses disciples, surtout du Guide. Son art fut sa seule occupation ; et il l’a porté extrêmement loin ; son coloris un peu dur et noir, avait été bien réformé dans ses ouvrages de Rome, dans lesquels il avait beaucoup augmenté la beauté de son style. Les dessins d’Annibal Carrache sont très recherchés pour leur grande correction, et une parfaire imitation de la nature. Une facilité surprenante y égale la fermeté de la touche, ses paysages et ses caractères sont admirables. Il arrêtait ordinairement d’un trait de plume hardie et très heurtée, tous les contours avec un lavis de bistre. Beaucoup d’études sont à la pierre noire et à la sanguine, sans y employer ni plume ni blanc, avec peu de hachures. Annibal se reconnaît au caractère fier de ses têtes moins gracieuses que celles de Louis, et faites avec plus de liberté que celles d’Augustin ; mais il était un peu plus lourd qu’eux. Annibal a gravé d’un grand goût plusieurs sujets à l’eau forte, tels que la Suzanne avec les deux vieillards, saint Jérôme demi-figure, le Christ mort de Caprarole, la Madeleine sur une natte, un couronnement d’épines, la Vierge à l’écuelle, une sainte famille où saint Joseph lit dans un livre, une adoration des bergers, dont un s’appuie sur un arbre, Silène couché avec deux satyres et deux enfants, appelé la tasse d’Annibal, une Vénus couchée que regarde un satyre. Annibal a peint à Bologne dans plusieurs palais conjointement avec les autres Carraches ; une Vierge avec saint Jean et sainte Catherine, pour l’Eglise de saint George ; à san-Petronio derrière le choeur, un Ecce-Homo ; dans la sacristie de la Madona di Galtera, une annonciation divisée en deux tableaux ; dans l’Eglise du Corpus Domini, une résurrection ; dans celle de saint Grégoire, le baptême de notre Seigneur avec une gloire d’anges ; à saint François, l’assomption de la Vierge dans le goût du Tintoret. |
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