Accueil | Présentation | Contenu | Galerie | Répertoire | Lieux | Thèmes |
Gravure et texte extrait de l'ouvrage 'Abrégé de la vie des plus fameux peintres' d'Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, édition de 1762, collection personnelle. Le Corrège est un de ces hommes nés sans précurseur, de ces hommes qui ne doivent leur élévation qu'à leur propre génie. C’est lui qui le premier a peint des figures en l’air et qui plafonnent (terme usité en peinture, pour exprimer le raccourci des figures dans un plafond.) : Raphaël n’avait osé le tenter en peignant, au petit Farnèse, les noces de Psyché, où, pour éviter les raccourcis, il a supposé les figures peintes sur une tapisserie que des clous attachent au plafond. Né, en 1494, à Corrège dans le Modénois ; son vrai nom était Antoine de Allegris. On lui donne trois maîtres, l’un François Blanchi, dit il frari ; André Manteigne, et Antoine Begarelli, sculpteur Modénois. Ses ouvrages sont si éloignés de la manière de ces artistes, qu’il est à présumer que c’est des mains de la nature, qu’est sorti ce grand peintre, qu’on a surnommé le Prince des grâces et du coloris. Né, pour ainsi dire, sans maître, sans protecteur, sans biens, il s’est suffi à lui-même ; il n’a rien emprunté des autres. Ses contours, sans être corrects, sont d’un grand goût ; ses airs de têtes admirables, son coloris divin. Son origine n'est point encore constatée. Son père, selon quelques auteurs, était issu d’une noble famille de Corrège, nommée de Allegris, et il a laissé de grands biens à un fils unique, qui était le Corrège. Les pensées élevées de ce peintre, et les sciences dont il était orné, telles que la philosophie , l’architecture et autres, sont la suite d’une belle éducation, partage ordinaire des gens nobles et aisés ; mais la joie qu’il eut de porter une somme de deux cents livres à son indigente famille, comme il fera dit dans la suite, n’annonce pas un homme riche et de noble origine. D’autres auteurs ont dit que son père était laboureur, né de parents pauvres, et qu’il le fut durant sa vie. Antoine, plus coloriste que dessinateur, avait néanmoins un grand goût de dessin, et un heureux choix du beau. Quelle fraîcheur, quelle force de coloris, quelle vérité et quelle excellente manière d’empâter les couleurs ! On ne peut rien voir de plus moelleux, tout y paraît tendre et fait avec le souffle, sans aucune crudité de contours. Quant à ses idées, elles sont grandes et extraordinaires ; ses compositions raisonnées, les airs de têtes de ses figures inimitables, des bouches riantes, des cheveux dorés, les plis de ses draperies coulants, une finesse d’expression surprenante, un beau fini qui fait son effet de loin ; un relief, une rondeur, un accord, et une union parfaite, règnent dans tout ce qu’il a fait. Ses ouvrages ont étonné tous les peintres de son temps, ainsi que ceux qui les ont suivis. Jules Romain disait que les carnations du Corrège étaient si fraîches, que ce n'était point de la peinture, mais de la chair ; aussi peignait-il d’après nature, sans souvent faire de dessin. Il disait que sa pensée était au bout de ses pinceaux (C'haveva i fuoi pensieri nella fremit à dei penelli.). Les grands peintres qui ont suivi Jules Romain, sont venus le consulter ; c’est là qu’ils ont trouvé le grand goût, le beau coloris et la magie des plafonds, en quoi le Corrège a surpassé tous les autres. C’est un modèle parfait qui peut être imité ; mais qu’on n’a pu égaler jusqu'à présent : Paul Véronèse et Lanfranc sont ceux qui ont le plus approché des beaux raccourcis de ce maître. Le Corrège peu favorisé de la fortune était modeste dans ses manières, se contentant de peu, et aimant à assister les pauvres, dont la triste destinée approchait assez de la sienne. Il n’y a rien de si singulier que le sujet de sa mort. Il reçut à Parme le payement d’un tableau en monnaie de cuivre, qu’il porta à pied pendant quatre lieues, et dans la grande chaleur. La joie qu’il eut de soulager les besoins de sa famille, l’empêcha de songer au danger auquel il s'exposait ; il arriva à Corrège, très fatigué, avec une grosse fièvre, qui l’emporta en l’année 1534, âgé de quarante ans.
Nous ne connaissons qu'un seul élève du Corrège , c’est Bernardo Soiaro ; l’on peut dire cependant que tous les peintres ont été ses disciples. Ses desseins sont très rares : Vasari dit que quoique bons, pleins de vaguesse et faits de main de maître, ils ne lui auraient pas acquis une aussi grande réputation, s’il ne s’était surpassé infiniment en exécutant en peinture les mêmes sujets. En effet, les draperies sont dessinées lourdement, et les extrémités des figures fort négligées ; il ne s'embarrassait pas d’arrêter ses desseins : content d’avoir son sujet dans la tête, il le peignait avec l’enthousiasme d’un homme qui produit sur le champ ; c’est ce qui fait qu’on ne voit que des études et de légers croquis de sa main. Ils sont presque tous à la sanguine assez mal maniée et comme estompée : ses grâces, ses caractères de têtes, ses beaux contours, ses élégants raccourcis percent à travers le brut de ses desseins, et les feront toujours distinguer parmi tous les autres. Ses ouvrages à Parme sont la coupole du dôme, qui est un chef-d’œuvre de sa main ; il y a représenté à fresque le paradis avec un petit nombre d’anges, et les quatre docteurs de l’Eglise dans les angles. Malgré la ruine de ces beaux morceaux, et le peu de clarté qui régne dans cette Église, on découvre des raccourcis surprenants et des têtes admirables. La coupole de saint Jean des Bénédictins, représente l'Ascension du Sauveur entouré des douze apôtres, figures détachées, de la dernière beauté ; cet ouvrage est encore mieux conservé et mieux éclairé que celui du dôme. La tribune où est l’assomption est copiée d’après lui, parce qu’elle fut abattue pour agrandir le chœur ; elle a été copiée par les Carrache, et César Aretusî l'a ensuite repeinte sur le lieu, telle qu’on la voit aujourd’hui. Dans une chapelle, est une descente de croix et le martyre de St Placide et de Fausta sa sœur ; chez les religieux Franciscains, on voit une annonciation à fresque ; à la Madona della scala, une Vierge peinte sur le mur, à laquelle on a eu la simplicité d’ajouter sur la tête, une couronne d’argent qui fait grand tort à la peinture ; dans l’Eglise du saint Sépulcre, une fuite en Egypte, d’une grande beauté ; dans le couvent des religieuses de saint Paul, une chambre peinte à fresque, où l'on voit les chasses de Diane dans les lunettes autour du plafond, la déesse est : en pied sur la cheminée ; le reste est un berceau avec des pampres de vignes, des feuillages et des fleurs, tout de sa main. Le lieu est si obscur, qu’il faut des flambeaux en plein jour, pour jouir de ces belles peintures ; à saint Antoine, on voit un des plus excellents tableaux du Corrège, où la Madeleine baise les pieds du Sauveur qui est entre les bras de la Ste Vierge, le même tableau expose encore un saint Jérôme, un ange qui tient un livre, et un autre qui rit. Les graveurs du Corrège sont, Augustin Carrache, Diana Mantuana, F. Merlini, C. Bertelli, F. Bricio, J. M. Mitelli, Troien, G. Mantuan, Van-Kessel, Boël, J. B. Vanini, F. Spierre, Château, Edelinck, Gaspard Duchange, des Rochers, Giovannini, de Beauvais, Daullée, Kilian, Tanjé, Smith, Van-de-Steen, Sixte Badalocchi, Arnould, Dejode ; Picart le Romain a gravé trois morceaux dans le cabinet du Roi ; Surugue le fils vient de graver nouvellement la fameuse nuit du Corrège, qui est un beau morceau. |
Si vous voulez toute la
liste des noms du site commençant par C
cliquez ici
Et les autres articles de cet ouvrage sur les peintres
Voir aussi la notice de Wikipedia
Les textes ont été transcrits du vieux françois en français courant,
et les gravures ont été corrigées des défauts d'impression et de vieillissement.
Tout le contenu de la page est donc sous Copyright
Dépôt de Copyright contre toute utilisation commerciale
des photographies, textes et/ou reproductions publiées sur ce site
Voir explications sur la page "Accueil"
Plan de site | Recherches | Liens |