Accueil | Présentation | Contenu | Galerie | Répertoire | Lieux | Thèmes |
Gravure et texte extrait de l'ouvrage 'Abrégé de la vie des plus fameux peintres' d'Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, édition de 1762, collection personnelle. Girolamo Crespi, Citadin de Bologne, eut en 1665, un fils, nommé Joseph-Marie Crespi. Ses premières inclinations se tournèrent du côté de la peinture, qui lui fut enseignée par Angelo Michele Toni. La médiocrité de ce maître ne le découragea point ; il ne songea qu’à le surpasser, et y réussit en peu de temps. Quelques jeunes peintres, qui allaient dessiner d’après les fameux tableaux de saint Michel in Bosco, l’engagèrent à se mettre de la partie : leurs divertissements consistaient souvent à imiter différentes nations dans leur habillement ; celui de Crespi, qui approchait de l'Espagnol, le fit nommer Spagnuolo, nom qu’il a toujours conservé depuis. L'hiver sépara cette troupe pittoresque ; Crespi resta seul, et les religieux de Saint Michel, charmés de sa ferveur, lui firent, dans cette rigoureuse saison, une cloison portative de jonc, derrière laquelle il pouvait travailler. Étant un jour à copier dans l’oratoire de saint Joseph, les belles fresques du Colonna, il vit un vieillard la palette à la main qui se disposait à retoucher quelques endroits endommagés ; il le traita de téméraire, et voulut l'empêcher de travailler. Ce vieillard, qui était Colonna, loin de le désabuser, l’anima encore davantage, en lui disant que ces morceaux n’étaient pas aussi beaux qu'il le croyait, Crespi impatient, courut aussitôt avertir quelques-uns des confrères de l’Oratoire, qui lui apprirent que c'était Colonna. Il retourna tout confus, lui faire des excuses, que le vieillard, à qui le jeu n'avait pas déplu, paya de ses embrassements. Cette grande pratique lui fit changer de goût, et prendre une manière Vénitienne, avec une exécution si prompte, quelle étonnait tout le monde. Il ne faisait pas, dit Quintilien, pour bien, faire, d'aller vite, mais pour aller vite, il suffit de bien faire. Deux grands tableaux furent par lui exposés en public : le premier représentait un pressoir avec plusieurs hommes nus, qui foulaient le raisin ; l’autre était une boucherie, où des hommes tuaient et écorchaient des bœufs, des veaux, et d’autres animaux. Ces tableaux furent généralement applaudis, et suivis de plusieurs autres dans le même genre, mais plus petits. La copie de la circoncision, après avoir passé par plusieurs mains, fut vendue pour l’original, à un Sénateur de Bologne ; tous les peintres la jugèrent telle. Enfin, Crespi de retour en cette ville, alla voir le Sénateur, qui lui montra le tableau comme original du Baroche ; il se mit à rire, et s’en avoua l'auteur. Cette aventure lui fit beaucoup d’honneur ; et le Sénateur lui commanda le combat d’Hercule et d’Anthée, qui ne fut pas trouvé moins beau. Ce dernier tableau fut exposé publiquement à une fête, où le Recteur du collège d’Espagne entendit plusieurs personnes qui s’écriaient : Viva lo Spagnuolo ; ô quanto é valente lo Spagnuolo. Il crut que l'auteur était un Espagnol arrivé depuis peu à Bologne, et pria qu’on l'envoyât chez lui. Crespi y fut, et s’excusa de ne pas lui répondre en Espagnol, parce qu’étant venu fort jeune en Italie, il avait oublié sa langue naturelle ; en composant une histoire plaisante de sa vie, il laissa cet homme dans son erreur. Celui-ci lui offrit un logement dans son collège, et lui dit qu’il y avait véritablement en Espagne une famille de Crespi : le peintre s'amusa beaucoup de cette méprise. Comme il entendait fort bien les Caricatures, il peignit sous la forme d’un chapon mort, le Comte Malvasia, un des Directeurs de l’académie du Sénateur Ghisilieri : Malvasa se douta que le tableau était de Crespi, et s’en plaignit au Sénateur, qui le chassa de sa maison. Le peintre se retira à Venise ; et ses belles copies d’après le Titien, Paul Véronèse et le Tintoret fortifièrent extrêmement son coloris, ainsi que les ouvrages de Rubens et de Rembrandt, qu’il eut occasion de voir. Enfin, il rentra en grâce, revint à Bologne, et peu de temps après il alla à Pistoia avec Marc-Antonio Chiarini, peindre le plafond de l’église des pères de saint François de Paule. Dans un tableau du Centaure Chiron, qui apprend à Achille à tirer de l’arc, il feignit que le jeune Achille ayant manqué son coup, le Centaure s’était mis fort en colère, et lui avait donné un coup de pied. Le Prince Eugène de Savoie, pour qui était le tableau, en trouva l’idée plaisante, et occupa Crespi pendant cinq années ; il le nomma ensuite son peintre ordinaire, lui accorda une pension, et lui demanda une Sainte Marguerite de Cortone. Cet artiste mettait de l’esprit dans tous les ouvrages qu’il entreprenait : il eut à peindre deux plafonds dans le palais Pepoli ; il représenta dans l’un, le Banquet des Dieux, dont plusieurs jouaient aux échecs, allusion aux armes de cette maison, qui sont un Échiquier ; Hercule dans son char tiré par les Heures, était le sujet du second plafond. Dans ce temps-là, Crespi ouvrit une école, où il rassembla plus de trente écoliers ; on y admirait autant la facilité des préceptes, que la beauté des ouvrages : un Prêtre ami du Marquis Pepoli, en était un des plus ardents amateurs ; il se lia d’amitié avec le peintre, et lui ordonna plusieurs morceaux, qu’il voulait avoir à bon marché. Le Marquis qui le sut, promit à Crespi de suppléer de sa bourse au prix qu'il en voulait avoir ; ce cavalier tint sa parole ; le peintre fut content, et le prêtre encore plus d’acquérir de belles choses à un prix si modique. Un massacre des Innocents lui fut aussitôt commandé ; et le Prêtre s’obligea, par-dessus le prix convenu, de dire cent messes pour le repos des défunts. Le Prince le mena à la fête de la longue
Paulme, et le fit entrer au Mole dans sa gondole. Comme il lui parla de son batelier, dont il avait occasionné la prison, le Prince lui donna le moyen de le délivrer sans user de son autorité ; c’était d’aller demander cette grâce au Gouverneur de la ville, au nom de la Cantatrice Reggiana, dont cet officier était amoureux. Ce dernier le reçut d’abord froidement ; mais ayant appris qu’il venait de la part de son amie, après une conversation d’une heure au sujet de l'aimable chanteuse, il lui accorda sa demande. Il fut appelé plus d’une fois à Florence, où sa femme étant prête d’accoucher, le Prince voulut bien tenir son enfant avec la grande Princesse Violante, qui donna à l’accouchée une belle croix de diamants. Le Prince nomma alors Crespi son peintre ordinaire avec une pension. Le cardinal Lambertini, archevêque de Bologne, devenu Pape, nomma Crespi son peintre, et chevalier de l’Éperon d’or, avec le titre de Comte Palatin. Sa Sainteté voulut qu’il peignît l’entrevue du Prétendant d’Angleterre, avec son Légat et toute la Cour de ce Prince ; il fallait posséder, ainsi que notre artiste, toutes les parties de la peinture, pour en faire un excellent morceau ; le portrait surtout y était nécessaire. Crespi en avait fait un grand nombre, la plupart de Princes, de Cardinaux, et de quantité de Dames ; celui de la Comtesse Virginia Sachetti, qui venait de Rome pour épouser le Sénateur Caprara, a cela de singulier, que le Maréchal de ce nom, qui était à Vienne, voulut que ce portrait fût accompagné de celui de la suivante de la Comtesse ; il ajoutait en riant, che come la Derrata la giunta volea ; le portrait de la suivante serait la sur-mesure de celui de la Comtesse. Ce peintre toujours mal habillé, vivait et parlait d’une façon singulière, sans s’embarrasser de certains égards, fondé sur ce que l’état d’un peintre ne voulait point de sujétion. Il sortait rarement, et quoiqu'il fut de l’académie de Bologne, il n’y allait jamais ; elle était, selon lui, remplie de gens qui ne connaissaient pas le vrai mérite ; s’il racontait ses aventures, c’était si plaisamment, qu’on ne pouvait s’empêcher de rire. Crespi sut donner de grandes lumières a ses figures, se servant tantôt du Soleil, ou d’un flambeau élevé, et souvent de la chambre obscure, Pour les faire sortir davantage, il tenait exprès ses fonds éteints et obscurs ; et même ses paysages paraissaient plutôt agités de tempêtes que tranquilles : souvent il changeait son style dans les petits tableaux. Il s’est peint plusieurs fois, et notamment pour la galerie du Grand-Duc à Florence. Enfin, il est mort à Bologne, en 1747, âgé de quatre- vingt-deux ans, après avoir perdu la vue, deux ans auparavant, ne voulant voir aucuns médecins, ni prendre aucuns remèdes. On le porta avec grande pompe dans la chapelle des confrères de la Madeleine dont il était. Ses enfants sont ses élèves. Louis, qui était chanoine et camérier secret de Sa Sainteté, et le second de ses enfants, peignait l’histoire ; mais seulement pour son amusement ; le troisième qui s’appelait Ferdinand, et qui était Frère religieux de l'Ordre de saint François, travaillait en miniature, et est mort en 1754. Antoine, le plus jeune, peint et imite autant qu’il peut, la manière de son père. L’aîné de tous, qui était religieux Franciscain, a rempli les premières places de son Ordre, et c’est le seul qui n’ait pas manié le pinceau. Antonio Gionima, mort jeune, a encore été un de ses élèves. Il en a eu plusieurs autres, mais qui n’ont pas eu beaucoup de réputation. Ses dessins, les uns à la sanguine, avec des hachures horizontales et croisées dans les draperies, les autres à l’encre de la Chine, avec un trait de plume, marquent une grande intelligence dans son art, avec de la correction et de l’expression ; il serait impossible d’en établir le caractère sans en avoir vu un plus grand nombre. Crespi a gravé les aventures de Bertoldo et de Bertoldino ; et on en a copié les figures pour une édition en vers, in-quarto. Il a gravé aussi une Résurrection de Notre-Seigneur, quelques petits morceaux. Quelques autres de ses dessins l’ont été par le Mathioli son ami.
|
Si vous voulez toute la
liste des noms du site commençant par C
cliquez ici
Et les autres articles de cet ouvrage sur les peintres
Voir aussi la notice de Wikipedia
Les textes ont été transcrits du vieux françois en français courant,
et les gravures ont été corrigées des défauts d'impression et de vieillissement.
Tout le contenu de la page est donc sous Copyright
Dépôt de Copyright contre toute utilisation commerciale
des photographies, textes et/ou reproductions publiées sur ce site
Voir explications sur la page "Accueil"
Plan de site | Recherches | Liens |