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Sabine de Steinbach, sculptrice
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Il s'agit ici plutôt d'une histoire romancée à propos de cette sculptrice du Moyen-âge - Certains disent même qu'elle n'aurait pas vraiment existé. Quoiqu’il en soit, ce qui m'a paru intéressant ici, c'est le fait qu'à cette époque, 13ème siècle, les femmes étaient acceptées comme artisanes - Il faut ensuite attendre longtemps, notre 20ème siècle, pour que cette activité leur soit à nouveau couramment reconnue... Dessin et texte extraits du 'Magasin pittoresque' de 1845 Qui ne connaît, au moins par la gravure, cette magnifique cathédrale de Strasbourg dont la construction demanda plus de quatre cents ans ? Inaugurée au quinzième siècle, elle a résisté depuis à tous les outrages des hommes et du temps, et s’élève toujours aussi ferme, aussi hardie, aussi jeune ! Combien d’existences se sont-elles usées à tailler ce peuple de statues ! combien de génies ont-ils apporté là leurs merveilleuses inspirations ! combien a-t-il fallu de patience et de courage pour tisser cette immense tenture de pierres qui commence au sol et finit dans les nues ! Dieu seul pourrait le dire ! Mais parmi ces générations d’illustres inconnus qui vinrent successivement poursuivre l’œuvre commencée, la tradition populaire a conservé quelques noms. Oublieuse des plus grands, elle s’est rappelée les plus touchants ; elle ignore l’homme qui donna le premier plan de la sainte basilique, mais elle connaît la jeune fille qui en sculpta la dernière pierre. Tout ce que ce peuple a retenu de cette longue histoire qui résume la science et l’art du moyen-âge, c’est une légende que racontent les jeunes paysannes de l’Alsace, quand elles filent le soir près du poêle qui murmure doucement, entourées d’un cercle de têtes blondes. La voici telle qu’on nous l’a redite d’après leur récit. Au treizième siècle, l’architecte Erwin de Steinbach avait été chargé de construire la tour qui devait couronner la cathédrale. C’était un vieillard qui demandait au ciel son génie et qui ne l’employait que pour la plus grande gloire du Christ. Dieu avait mis près de lui un fils nommé Jean, et une fille nommée Sabine, qui le soutenaient dans son œuvre. Jean était sa force et Sabine son cœur ; avec celui-là il osait entreprendre ; avec celle-ci il était heureux d’exécuter. Tous deux avaient reçu les dons célestes et faisaient obéir la pierre à leur pensée ; mais la jeune fille avait de plus la beauté d'une sainte. Quand elle se montrait, son visage éblouissait doucement le cœur, et l'on ne pouvait voir que lui ; quand elle parlait, on oubliait son visage, et c’était sa voix que l’on préférait ; aussi les jeunes architectes et les jeunes sculpteurs qui travaillaient sous les ordres de son père eussent-ils donné tous les biens de la terre pour obtenir son amour. Deux surtout avaient déclaré ouvertement leurs prétentions ; l’un était un Silésien, nommé Bernard de Sunder, l’autre un Français né à Boulogne, qui s’appelait Polydore. Ils avaient une habileté égale pour dresser des plans et tailler la pierre ; mais leurs caractères différaient autant que la tempête diffère du ciel serein. Bernard était humble, soumis, plein de respect pour les hommes et d’amour pour Dieu. Polydore, au contraire, était fier, audacieux, révolté contre la terre et le ciel. Quand ils montaient ensemble sur les hauts échafaudages de la tour, suspendus par une corde fragile au-dessus de l’abîme, Bernard de Sunder ne manquait jamais de se signer en répétant les paroles du psaume : « O Dieu ! nous sommes dans tes mains comme la paille qui vote et comme l’eau qui s’écoule, » tandis que Polydore riait en regardant le ciel, et chantait le refrain des picoteurs de pierre ; J’ai dans ma main la corde et le ciseau ! Sabine avait remarqué ces différences, et sa préférence s’était déclarée pour le jeune Allemand. Polydore en éprouva une douleur qui se transforma en une sourde rage. Cependant il espérait encore que la jeune fille pourrait changer de sentiments. Erwin était mort, et le conseil de Strasbourg avait publié une ordonnance déclarant que la continuation de la tour serait confiée à celui des jeunes gens qui fournirait, dans douze jours, le plus beau dessin. Celui du Français fut achevé avant le terme fixé, et tout le monde déclara que nul ne pourrait le surpasser. Sabine elle-même était restée frappée d'admiration en le voyant, et n’avait pu retenir ses larmes. — Pourquoi pleurez-vous ? demanda Polydore. Sabine ne répondit rien, mais elle se retira chez elle le cœur bourrelé. Si elle persistait dans sa préférence pour Bernard de Sunder, elle ne tenait point la promesse faite à son père ; si elle acceptait la proposition de Polydore, au contraire, elle sauvait la gloire d’Erwin, mais le bonheur était perdu pour elle ! Oppressée par l’incertitude, elle s'approcha de la table sur laquelle une grande feuille de parchemin était tendue, prit avec distraction sa plume qu’elle roulait dans ses doigts, en adressant à Dieu des prières mêlées de larmes ; puis enfin, vaincue par la fatigue, elle s’endormit ! Son sommeil dura toute la nuit, et quand elle se réveilla les premiers rayons du jour brillaient joyeusement à travers les vitres ; ses regards tombèrent sur la table, et elle poussa un cri de surprise : Sur la feuille de parchemin, un dessin admirable représentait la façade de la cathédrale telle qu'on l’aperçoit aujourd’hui ! Dieu avait sans doute entendu la prière de la fille d’Erwin, et un de ses anges était venu tracer pour elle l’œuvre miraculeuse qui devait remporter le prix. Il suffit, en effet, de la présenter aux membres du conseil pour qu’ils déclarassent tous d’une voix que la jeune fille était seule capable de continuer ce que son père avait commencé. Sur sa demande, on lui adjoignit cependant son frère, et Bernard de Sunder vint s’offrir lui-même pour la seconder ; mais Polydore, rongé de jalousie, s'éloigna sans rien dire. Jean et Sabine allèrent habiter dans la grande cour de l’église, afin de surveiller les travaux de plus près. Subitement douée d’un don inexplicable et miraculeux, Sabine semblait soustraite aux lois du temps. Ses œuvres à peine conçues se trouvaient merveilleusement exécutées ; son ciseau multipliait les ornements autour de l’édifice d’Erwin, sans que l’on pût savoir quelles heures étaient employées à la création de tant de chefs-d’œuvre. Elle-même semblait l’ignorer. Cependant la grande figure destinée au portail de l’horloge venait d’être achevée ; elle la fit mettre en place. Mais cette opération prit le jour entier, et il fallut attendre au lendemain pour juger de l’effet qu’elle devait produire. Dès le point du jour, Sabine accourut avec la foule, curieuse de connaître le nouveau chef-d’œuvre !... Horreur et désolation !... Pendant la nuit la statue avait été mutilée, et la plupart des ornements exécutés depuis peu par Sabine, honteusement martelés. Un cri de stupéfaction s’éleva de toutes parts ; mais à ce cri succédèrent bientôt les murmures. Quelle main avait pu détruire le travail de la jeune fille ? était-ce la main d’un homme ou celle du démon ? — Le démon ne détruit point l’œuvre de ceux qu’il protège, objecta une voix. Et comme on s’étonnait, la voix rappela l’étrange rapidité avec laquelle Sabine avait exécuté tous ces travaux, son triomphe inattendu lors du concours proposé par le conseil, son affectation à vivre dans la rêverie et la solitude. Ces soupçons semés dans la foule y prirent bien vite racine : la jeune fille avait blessé beaucoup de cœurs sans le vouloir, soit par ses triomphes, soit par sa beauté, et le bruit se répandit que Dieu refusait les œuvres de la fille d’Erwin, parce qu’elles étaient l’inspiration du mauvais esprit. A cette accusation. Sabine se retira éperdue dans l’atelier où elle avait coutume de travailler, et demeura jusqu’au soir dans les prières et les larmes. Bernard de Sunder, après avoir essayé de la consoler, rentra dans le retrait qu’il occupait vis-à-vis de la tour ; mais le souvenir des pleurs de sa fiancée l’empêcha de trouver le sommeil. Il se releva donc et vint s’appuyer tristement à sa fenêtre. La nuit était obscure, le vent grondait dans la grande tour déserte, et de grosses gouttes de pluie battaient les dalles retentissantes. Bernard, tout entier à sa préoccupation, avait la tête appuyée sur une de ses mains, lorsqu’un bruit sec et redoublé, semblable à celui du marteau sur la pierre qu’il brise, retentit tout-à-coup dans le silence de la nuit ! Le jeune Allemand lève la- tête ; devant lui et sur des échafaudages les plus élevés une ombre vient d’apparaître. |On ne peut distinguer sa forme, mais au mouvement et au bruit, on devine qu’elle achève la destruction commencée la veille. Bernard a tressailli et se penche pour mieux voir, lorsqu’un autre bruit frappe son oreille : c’est celui plus retenu et plus régulier du maillet sur le ciseau du sculpteur. Il se détourne, et à l’autre extrémité de la tour il aperçoit une blanche vision qui semble réparer avec ardeur les ravages accomplis par une main ennemie. Des deux côtés les coups se suivent et se répondent. Ici l’ombre noire s’acharne à détruire, là le blanc fantôme continue à réparer. Mais tout-à-coup celui-ci s’arrête, il a entendu le retentissement du marteau destructeur ; il se redresse, glisse comme un rayon lumineux le long des échafaudages, franchit les entrecolonnements, suit les corniches, et arrive comme la foudre en face de l’ombre sinistre. Dans ce moment, la lune dégagée d’un nuage laisse glisser une pâle lueur à travers les pierres dentelées, et Bernard reconnaît Sabine et Polydore ! Celui-ci s’est détourné à l’approche de la blanche apparition. En apercevant la fille d’Erwin l’œil immobile, la lèvre frissonnante et le front courroucé, il recule avec un cri, rencontre tout-à-coup le vide et tombe brisé sur le parvis. Bernard, épouvanté, descend à la hâte, s’élance vers les tours, et arrive à temps pour recevoir dans ses bras la jeune fille qui vient de se réveiller. Tout se trouva ainsi expliqué ; on comprit comment la fille d’Erwin avait pu multiplier les chefs-d’œuvre, grâce au somnambulisme qui faisait de son sommeil un travail, et comment une haine jalouse avait voulu tout détruire. Bernard de Sunder épousa la jeune fille complètement justifiée ; et la tour achevée, grâce à leurs soins, fut inaugurée le jour de la Saint-Jean. Une croix fut placée au sommet pour indiquer l’achèvement de l’édifice, et sur cette croix se trouvait l’image de la Vierge, patronne de la ville et de l’église. La tradition rapporte que Bernard de Sunder fut ensuite appelé avec sa femme à Magdebourg, où ils reproduisirent, pour la cathédrale, plusieurs groupes qu’ils avaient déjà sculptés à Strasbourg. La statue reproduite par notre dessin représente Sabine au moment d’entreprendre un nouveau travail. Une de ses mains est posée sur le livre saint, source de ses inspirations ; l’autre tient l’instrument avec lequel elle doit traduire ce que Dieu lui aura dit. Celte œuvre remarquable, dans laquelle l’artiste nous semble avoir heureusement allié la naïveté gothique à l'expression de la statuaire moderne, est due à M. Grass, sculpteur de la cathédrale de Strasbourg. Voir aussi Strasbourg au 19ème siècle, page d'un autre de mes sites
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