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Texte extrait de l'ouvrage
COSTUMES FRANÇAIS depuis CLOVIS JUSQU'À NOS JOURS
Texte inclus dans le corps de l'ouvrage des Costumes Français Des rois et des Leudes Dans les premiers temps de la monarchie française, les rois étaient héréditaires et électifs, c’est-à-dire qu’on ne pouvait les choisir que dans la famille de Clovis. Dans l’origine, ils furent des soldats valeureux et même des héros, autant que la barbarie de leur temps pouvait le permettre ; mais depuis Dagobert Ier, ils cessèrent d’abord de commander leurs troupes, et ensuite de gouverner : l’autorité des rois passa entre les mains des maires du palais. Ces ministres insolents régnèrent effectivement sur la France et sur leurs souverains, qui se confiaient à leur tutelle. Dans l’origine, cette charge, qui devint si redoutable aux descendants de Clovis, était inaperçue dans le nombre de toutes celles dont étaient revêtus les Leudes qui entouraient le monarque. Alors le roi nommait à la place de maire du palais. C’était le maire du roi et non pas le maire du royaume ; mais du moment que les héritiers de Clovis ne purent plus soutenir les rênes de l’État, qu’ils les laissèrent échapper avec le glaive des combats, les Francs, l’esprit encore rempli de ce principe des Germains, dont ils avaient fait partie, que, dans le choix de leur roi, il fallait se déterminer par la noblesse, et dans celui de leur chef d’armée, par la valeur, revendiquèrent le droit d’élire leur général. Leur choix s’arrêta enfin sur les maires du palais. Dès lors le roi ne nomma plus à cette place ; ce furent les Leudes, parce qu’ils en avaient fait leur chef pour les conduire à l’ennemi. Les Leudes étaient ces volontaires qui, chez les Germains, suivaient les chefs qu’ils s’étaient choisis dans toutes leurs entreprises. Tacite les désigne sous le nom de compagnons ; les lois du temps, par celui d’hommes qui sont sous la foi du roi ; nos premiers historiens par celui des Leudes, ou fidèles, et les écrivains postérieurs, par celui de vassaux et de seigneurs. Ils n’avaient pas de biens en propre ; mais ce qu’on appela dans la suite, des biens fiscaux, des honneurs, des bénéfices, des fiefs, était particulièrement réservé à ces volontaires. Ces biens étaient le sort d’une armée, et non le patrimoine d’une famille. Les rois pouvaient les donner et les ôter à caprice à leurs Leudes. Bientôt ils en assurèrent la possession pour un an, puis pour la vie, et enfin ils les rendirent héréditaires. Ce fut une source de révoltes et de conjurations à l’avènement d’un nouveau roi ou d’un nouveau ministre. Le prince, ou celui qui régnait à sa place, voulait profiter de la loi qui lui donnait la disposition arbitraire du patrimoine des Leudes, pour en enrichir momentanément ses créatures : mais ceux qui, de simples gouverneurs, de simples usufruitiers, étaient parvenus, soit à force d’intrigue ou d’argent, à devenir propriétaires incommutables des biens qu’on voulait leur ravir, s’armaient contre l’innovateur, s’il était faible, ou conspiraient contre lui, s’il était puissant ; et quelquefois plus coupables encore, ils trahissaient leur patrie, en n’opposant qu’une résistance molle et que la lâcheté aux ennemis extérieurs qui attaquaient leur pays. On nommait hommes libres tous ceux qui n’étaient ni nobles, ni serfs : les comtes les conduisaient à la guerre, et remplaçaient même les Leudes pour conduire leurs vassaux, lorsque quelque emploi de la maison du roi empêchait ceux-ci de les mener eux-mêmes. Les comtes étaient les Leudes des hommes libres et les Leudes les comtes de leurs vassaux. Les évêques, les abbés ou leurs avoués marchaient aussi aux combats, avec les vassaux de leurs bénéfices ou des fiefs qu’ils possédaient ; mais on ne vit jamais les rois de France qu’à la tête des vassaux des Leudes; jamais ils ne daignèrent commander ceux des évêques. « Nos rois, dit un éloquent publiciste, courageux, fiers et magnanimes, n’étaient point dans l’armée pour se mettre à la tête de cette milice ecclésiastique ; ce n’étaient point ces gens-là qu’ils choisissaient pour vaincre ou mourir avec eux. » Comme si l’autorité des armes n’était pas assez étendue, c’était un principe fondamental de la monarchie, sous la première race, que ceux qui étaient sous la puissance militaire de quelqu’un, fussent aussi sous la juridiction civile, et ce pouvoir provenait de ce que celui qui menait à la guerre faisait payer les droits du fisc. Ainsi, les Leudes jugeaient les vassaux ; les comtes les hommes libres, et ceux qui relevaient des évêques, relevaient également de leur justice : despotes dans les camps, ils étaient juges absolus dans la paix. Quel pouvoir colossal était donné à ces seigneurs ! La puissance civile, la puissance militaire et même la puissance fiscale, étaient réunies. Et ces Leudes, et ces Comtes étaient encore révocables à volonté. Peut-on concevoir un despotisme plus étendu et mieux calculé ? Il est constant, il faut l’avouer, qu’ils devaient se faire assister dans leurs jugements d’un gravion, d’un centainier et d’autres adjoints, qui montaient jusqu’à sept, et qu’enfin on ne pouvait juger qu’au nombre de douze, nombre qui était rempli par les notables. Mais c’était un faible obstacle à leurs vexations : ils pouvaient impunément se livrer à toutes les sortes d’exactions. Les prétextes et les moyens iniques ne manquent jamais à la puissance arbitraire, qui n’a de frein qu’elle-même, pour dépouiller ceux dont elle convoite les biens7 et peser de tout son poids sur les infortunés, ne serait-ce que pour les tourmenter. Aussi vit-on des malheureux qui, jouissant d’une modeste aisance, furent condamnés sans motifs, à des amendes qui dépassaient la valeur de leurs biens, et qui, pour subsister dans un temps où l’industrie était étouffée, se voyaient réduits à renoncer pour toujours à leur liberté, et à livrer leur personne et leurs propriétés aux chaînes de l’esclavage. Ils devenaient serfs et leur condition alors différait peu de celle des animaux domestiques : les maîtres les achetaient, les vendaient, les battaient, les tuaient, selon leur bon plaisir. Cent cinquante coups de fouet étaient la punition infligée pour les fautes les plus légères. Commettait-on des fautes plus graves, on leur coupait les oreilles, le nez, un pied, une main ; on leur arrachait les yeux ou la vie. Puisque telles étaient les mœurs et coutumes de ces temps, on ne s’étonnera pas d’apprendre que l’ignorance était poussée à un si haut degré, que non-seulement l’amour de l’étude était éteint, non-seulement il y avait peu de personnes qui eussent appris à lire et à écrire, mais que la raison était déjà dégradée au point que les premières règles de la morale étaient méconnues par les hommes qui nous ont transmis l’histoire de ces temps, et qui devaient être l’élite de la science. (De Clugny.)
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