Cendrillon,
Journal encyclopédique de tous les travaux de femmes - juillet 1851
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Il n’y a pas de nouveautés radicales en ce moment ; la mode ne subit que des modifications. Ainsi, nous avons dit que les écharpes-mantelets étaient une mode nouvelle cet été, et nous dirons aujourd’hui que celui de ces vêtements qui convient le mieux à la saison est en tulle noir couvert de mille petits velours noirs n° 1, posés parallèlement en suivant la forme de l’objet, et qu’il se garnit d’une ou de deux dentelles noires. Souvent ce sont des dentelles de Cambrai qui composent cet ornement ; l’élégance n’y perd rien, la solidité y gagne beaucoup, et ces dentelles, qui sont d’un prix on ne peut plus modéré, ont l’avantage de n’être pas une simple imitation : les dentelles de Cambrai sont fabriquées à la mécanique. Voilà tout le secret de leur bon marché. Elles ont des dessins spéciaux d’une grâce admirable ; elles sont faites avec de la soie de première qualité, absolument comme celle qui forme les plus belles dentelles de Chantilly.
Nous avons vu un admirable châle carré en dentelle de Cambrai, dont le prix était de 130 francs, et qui aurait valu en chantilly au moins 7 ou 800 francs. Il y a la même proportion dans les prix des berthes, des voilettes, des coiffures, des cols, des manches, etc., etc.
On porte beaucoup de robes eu taffetas chiné, de couleur sur couleur, avec dessins spéciaux aux volants ; c’est ce qu’on appelle robes à disposition. On fait aujourd’hui de ces robes en tous tissus, en barége, en gaze de soie, en grenadine, en taffetas, en moire antique, etc.
Une étoffe fort en vogue aujourd’hui, c’est l'orléans, tissu souple, léger, brillant, dans la trame duquel se marient le fil et la soie. L’orléans n’aspire point aux honneurs des toilettes parées, mais il sied a merveille au déshabillé de la campagne et du matin. On le façonne aussi en jupe d’amazone ; il a, sur le drap, l’avantage d’être d’une fraîcheur précieuse par le temps qui court, ou plutôt par le temps qui brûle.
Dans les qualités inférieures, l’orléans se fabrique à un rabais fabuleux ; mais les bonnes qualités même, telles que les débitent les maisons de premier ordre, restent dans des prix accessibles aux fortunes les plus modestes. On peut, du reste, relever la valeur de l’étoffe, en l’enrichissant de dessins, soit en galon, soit en soutache.
Jamais on n’a fait une plus grande quantité de canezous à manches et à basquines ; ce sont de vrais corsages remplaçant les spencers de 1815. ils se font en jaconas, en nansouk, en mousseline de Tarare façonnée, ou en mousseline de l’Inde brodée.
Les dames et les jeunes filles portent à la campagne de très jolies capelines en paille d’Italie, avec bords à jours ; ils sont garnis de grappes de fleurs des champs ou de groupes de fruits.
Puisque nous parlons de jeunesse, descendons un degré plus bas, et disons deux mots de l’enfance : les petites filles ne se plaindront pas sans doute qu’on s’occupe d’elles, et les mères nous en sauront gré : quelle est celle qui ne place pas sa coquetterie dans son enfant ? Donc la mode veut qu’on habille ces femmelettes en femmes, et sauf le pantalon, qui est de rigueur, rien, dans leur toilette, ne diffère essentiellement de celle de leur sexe. La robe à volants, la basquine, le mantelet, le caraco, la capote, la capeline, tout cela est à l’ordre du jour, et l’on peut dire, sans exagération, qu’une petite fille à la mode n’est autre chose que le portrait de sa maman en miniature.
Madame Mélanie Brun, dont la réputation dans les modes est si bien consacrée, n’a pas dédaigné l’art de coiffer les enfants, art si délicat que la plupart de ses collègues reculent devant la difficulté ; madame Mélanie Brun, disons-nous, vient de créer en ce genre le plus joli petit bijou qu’il soit possible d’imaginer.
C’est une capote dont la passe se compose de six volants en rubans de taffetas brodés d’un léger agrément de paille. La calotte est formée par un petit fond souple plissé à sa base que masque un nœud de taffetas orné de paille. Le bavolet, pareil, porte également un volant. Le tour de la passe, très relevé du haut, est à bords retroussés, garnis à l’intérieur d’un volant côtoyé par un double agrément de paille. Le tour de tète n’est autre chose qu’une guirlande de bluets-nains enchâssés dans de petites cellules de blondes et terminées de chaque côté par un chou de rubans de gaze n° 1, mélangés d’une touffe de bluets. Placez au sein de cette auréole de gaze et de fleurs les traits mignons d’une jolie petite fille de quatre ou cinq ans, et le paradis, enchanté, la prendra pour un de ses anges.
Les dames portent beaucoup moins de brodequins ; la mode nouvelle de la chaussure consiste en des souliers de peau mordorée, de draps de soie ou de prunelle ; ronds du bout, très découverts sur le cou-de-pied, et garnis devant de grosses bouffettes en ruban ; quelques uns ont des talons. Avec ces chaussures, il faut des bas très bien brodés.
L. A.