1566
L'an mil cinq cents quarante-six,
Bien comptez avec deux fois dix,
Les Trésoriers eurent la chasse,
On défendit la belle chasse,
Pour faire le temps pluvieux,
Armés s'élevèrent les gueux,
Le blé fut cher l'orge et l'avoine
Le seigle aussi à grande peine,
En avait-on pour de l'argent,
Septembre fut chaud et fervent
Et pour fin de mauvaise année,
On cueillit fort bonne vinée.
Le Conseil étant assemblé à Moulins, le Cardinal de Lorraine présenta une Requête adressante au Conseil de la part de Messieurs du Parlement de Dijon, par laquelle ils requéraient que certain Édit envoyé de la part du Roy pour être registré portant qu’il était permis par tout le Royaume à ceux de la Religion reformée d’appeler, aux lieux auxquels l'exercice de ladite Religion n’était permis, toutes et quantes fois que bon leur semblerait, les Ministres de leur Religion pour être par eux consolés et endoctrinés fit pareillement endoctriner leurs enfants, fut cassé et annulé comme pernicieux et contrevenant à l’Édit de pacification : car par icelui ce ferait tacitement permettre les prêches secrètes, et à ce que j’ai pu en entendre il était fait plus pour ceux de la Religion qui sont à Paris que pour tous autres, laquelle Requête deux Conseillers de ladite Cour avaient présentée à tous les Messieurs des Requêtes qui sont en cette Cour, lesquels n’en avaient voulu faire le rapport craignant fâcher le Chancelier, quoi voyants lesdits Conseillers s'adressèrent à mondit Ssieur le Cardinal qui leur promit rapporter ladite Requête au Conseil Privé, où étant les Cardinaux de Bourbon, et de Guise, M. de Nevers, les Maréchaux de Montmorency, de Bourdillon et de Vieilleville, les Barons de la garde et de Lansac, Mrs. de Morvilliers, de Limoges, de Laubépine, de Valence, de la Caze Dieu, Président de Laubépine , etc. s'adressa au Chancelier, et à tous les Messieurs des Requêtes, leur remontrant qu’il s’ébaudissait fort de ce que les Catholiques n'avaient aucun moyen en cette Cour et conseil d’être ouïs, et qu’il ne savait pas pour quelles raisons aucuns des Maîtres des Requêtes n’avaient voulu rapporter ladite Requête, laquelle lue, les Cardinaux de Guise, et de Bourbon et autres dirent qu’ils ne savaient que c’était dudit Édit, ce que voyant le Cardinal de Bourbon se mit en grande colère, et dit que ce n’était bien fait au Chancelier de faire tels Édits, qui n’avaient été passés au conseil, et puis qu’on faisait telles choses, il ne fallait plus de conseil, et que pour lui il n’y assisterait plus, lors le Chancelier dit au Cardinal de Lorraine ces mots :
Monsieur, vous êtes déjà venu pour nous troubler,
auquel ledit Cardinal répondit,
Je ne suis pas venu vous troubler, mais empêcher que ne troubliez, comme vous avez fait par le passé bélître que vous êtes,
lors le Chancelier, répondit au Cardinal de Lorraine
Voudriez-vous empêcher que ces pauvres gens auxquels le Roy a permis de vivre en liberté de leurs consciences, ne fussent aucunement consolés ?
Oui je le veux empêcher, dit le Cardinal, car l’on sait bien que souffrant telles choses, c’est tacitement fournir les prêches secrètes, et l’empêcherai tant que je pourrais, et vous qui êtes ce que êtes à présent, de par moi, osez bien me dire que je viens pour vous troubler, je vous garderai bien de faire ce que avez fait par ci-devant, et pareillement.
M. le Cardinal de Bourbon se courrouçant fort audit Chancelier, lui demanda s’il lui appartenait de passer quelque Édit sans le Conseil, et de fait se levèrent tous deux en colère, et entrèrent en la chambre de la Reine qui était malade, et les apaisa le mieux qu’elle put, le Roy les renvoya au conseil, auquel M. le Duc d'Anjou vint et assista, il fut arrêté toutefois par le Roy et la Reine que ledit Édit serait cassé, et au lieu d’icelui défenses faites à tous ceux de la Religion de fréquenter les villes dans lesquelles il n'y a aucun exercice de ladite Religion, et à eux défendu de faire endoctriner leurs enfants par Pédagogues de cette Religion, n'y en retenir aucun, en outre défendu au Chancelier de sceller aucunes choses concernant l’Eglise et la Religion sans le consentement du conseil.
Le Conseil étant fini, arriva de bonne fortune l'Ambassadeur d’Espagne chargé d’un gros paquet adressant à la Reine de la part du Roy d'Espagne, contenant qu’il voit bien que les promesses qui lui ont été faites ci-devant sont frivoles, quelle lui avait mandé qu’en l’assemblée qu’elle a faite ces jours passés, elle déciderait entièrement du fait de la Religion faisant entretenir la vieille et Catholique annulant entièrement la nouvelle, mais que tant s’en faut qu’elle a fait à la maison de Lorraine les plus grandes indignités qu’il n’est possible de plus, et laquelle maison a soutenue seule la Religion Catholique, de manière qu’il est délibéré de lui montrer par effet qu’il veut quelle lui tienne sa promesse ; desquelles lettres la Reine fort étonnée dit au Cardinal qu’il faisait bien qu’il en eut écrit au Roy d'Espagne, et quelle s’étonnait pourquoi il lui en avait écrit, lui demandant que vous ai-je fait mon cousin, à laquelle il répondît qu’il ne lui en avait écrit, ce que l’Ambassadeur ratifia, et dit que lui-même par le service qu’il doit à son maître l’avait averti de tout ce qui s’était passé en cette Cour, et lors parlementèrent longtemps ensemble la Reine et le Cardinal, auquel étant sorti de là, l’Ambassadeur présenta lettres du Roy d’Espagne par lesquelles il lui mandait s’ébahir comme il a comporté les indignités qu’il a comportées, auquel Ambassadeur le Cardinal répondit, que les indignités qu’il a souffertes, il les a endurées par le commandement du Roy et de la Reine auxquels pour mourir il ne voudrait en rien désobéir, mais que ça été toutes fois sous promesse de maintenir la Religion Catholique, et abolir la nouvelle, et laquelle chose ne se faisant, il criera si haut que tous les Princes de la terre en entendront parler, depuis cela la Reine envoya l’Evêque de Valence, de Montluc, vers Madame de Guise, et l’on présupposa que c’était pour trouver moyen d’apaiser le Cardinal, cette comédie s’est jouée à Moulins. |