AU LECTEUR
La première partie de ces mémoires a été plusieurs fois donnée au public sous le titre de Journal des choses mémorables avenues durant le règne de Henry III Roy de France et de Pologne.
Les Éditions qui en ont paru jusques à présent étant toutes imparfaites, on se croit obligé d'en donner une ample et plus exacte sous celui de Mémoires pour l'histoire de France depuis 1515 jusques 1611 parce que l'auteur y rapporte quelques évènements des règnes de François I, Henry II, François II et Charles IX et qu'il les continue jusqu'au commencement de celui de Louis XIII.
M. le Duchat trompé par les lettres initiales M. S. A. G. D. P. D. P. qui sont au titre de quelques Éditions modernes au journal a cru que Monsieur Servin Avocat général du Parlement de Paris en était l'auteur. Il s'en explique ainsi page 454 de son édition de 1696 de la Satire Menippée et il a été suivi par Mr. Caille du Fourny Auditeur des Comptes dans son Histoire généalogique des officiers de la Couronne pages 443. et 929.
On suivrait cette opinion si l'histoire de l'académie Française de Mr. de Pellisson ne nous apprenait que Claude de l'Estoile l'un des 40 de l'académie était fils d'un Audiencier en la Chancellerie de Paris qui a recueilli des mémoires des affaires de son temps desquels un de ses amis a tiré le livre intitulé, Journal de ce qui s'est passé sous Henry III et dont les enfants n'ont jamais voulu donner le reste au public.
Ainsi Mr. Baile a eu raison de rendre cet ouvrage à son auteur par une note de son Dictionnaire critique page 1529 du 1er vol. 2ème. édition.
Le Dictionnaire Historique marque la même chose en deux endroits sous le nom de Claude de l'Estoile, ce qui a déterminé Mr. le Duchat à retrancher celui de Mr. Servin de son édition de 1709 de la Satire Meénippée.
En effet les endroits de ce journal où l'auteur parle de sa famille, de ses parents, et de lui-même ne conviennent point à Mr. Servin, qui n'était ni beau-frère de Mr. du Guat mort en 1585 ni neveu à cause de sa femme de Mr. de Neuville et de Mr. Vaucourtois morts en 1589. Mr. Servin avait suivi le Parlement à Tours et n'avait point de maison à Paris dans le temps que celle de l'auteur y a été pillée.
On peut donc assurer que ces mémoires sont de Pierre de l’Estoile, Sieur de Gland, fils de Louis, Président aux Enquêtes du Parlement de Paris et de Marguerite de Montolon fille de François de Montolon, Président au Parlement et Garde des sceaux de France et petit fils de Pierre de l’Estoile, aussi Président aux Enquêtes pourvu 23 Juin 1535 suivant Blanchard : il était neveu de Mathieu Chartier Doyen du Parlement, à cause de Marie de Montolon sa femme et allié aux meilleures et plus anciennes familles de Paris et du Parlement.
L'histoire de la Chancellerie de Tessereau marque qu'il a été Audiencier en celle de Paris jusqu'au 15Mars 1607, que Nicolas Martin a été reçu en cet office et les registres de la paroisse de St. André des Arcs prouvent qu il y a été enterré le 8 Octobre 1611.
Il a été marié deux fois la première à Anne de Baillon fille de Jean Trésorier de l'Épargne de laquelle il a eu deux filles, la seconde fois à Colombe Marteau fille du Sr. de Gland de laquelle il a eu trois enfants mâles, l'aîné mort jeune. François de l’Estoile le second a été Prieur d’Hornoy et Secrétaire du Cardinal de Lion Alfonse du Plessis de Richelieu ; le troisième Claude de l’Estoile Seigneur du Sauflay et de la Boissinnière mort en 1651 âgé de 54 ans, est celui dont parle Mr. Pellisson dans son Histoire de l'académie, on n’a point connaissance de sa postérité ni qu'il reste aucuns enfants mâles de cette famille.
La première partie de ces mémoires est assez connue, sous le titre de journal de Henry III.
La seconde n'a point encore paru, elle commence au Règne du Roy Henry IV et finit en 1611. Le style de ces deux parties persuadera facilement, que tout l'ouvrage est d'une même main.
L'auteur s’y montre au naturel, plein de zèle pour son Roy et son pays : la liberté avec laquelle il écrit en est une preuve, et quoiqu'il ne l'ait pas fait pour être imprimé, on ne veut priver plus longtemps le public de tant de singularités, dont quelques-unes paraîtront nouvelles, et d'autres confirmeront ce que nos historiens les plus fidèles et les plus exacts ont rapporté.
Comme ces mémoires sont tirés de son propre manuscrit, on a lieu d'espérer qu'ils seront reçus avec satisfaction de ceux qui cherchent la vérité dans l'histoire.
Il serait à souhaiter que l'on eut pu remplir le vide qui se trouve depuis le mois de Mars 1594 jusque au 4 Juillet 1606. on a cherché le volume, où il doit être sans pouvoir le découvrir, il était en 1700 entre les mains du Seigneur Langlois maître d'hôtel du Roy parent de l'auteur ; on en fera part au public si on peut le recouvrer.
Il y a dans quelques éditions du Journal de Henry III des faits qui ne sont point dans le manuscrit, dont celle-ci est tirée, on ne les rejette pas absolument, mais on les a renfermés dans des crochets pour distinguer ce qui est de l'auteur, d'avec ce que l'on ne peut raisonnablement lui attribuer.
On a joint quelques notes critiques et généalogiques qui servent à éclaircir les faits que l'auteur rapporte, ou qui désignent plus particulièrement ceux dont il parle, lesquels étant fort connus de leur temps, ne le seraient peut-être pas à présent sans ces explications.
Ces notes feront connaître, que l'on n’a pas eu une foi aveugle pour tout ce que l'auteur écrit, lorsque les faits qu il rapporte n'ont pas paru certains.
AVERTISSEMENT
Touchant les Portraits qui sont dans ces Mémoires.
On a taché de rendre cette Edition parfaite en l’ornant de quelques Portraits avec les devises de ceux qu’ils représentent, ainsi qu’elles sont rapportées par les Auteurs qui en ont écrit. Pour ceux de qui on n’a point trouvé de devises, on a pris la liberté de leur en attribuer de convenables à leurs vertus, ou aux accidents notables de leur vie.
Exemple :
La Reine Louise de Lorraine femme du Roy Henry III a été très vertueuse ; en cette vue on lui a donné pour devise une hermine qui est le symbole de la pureté avec ces paroles :
Candida semper, qui marquent la candeur de son âme.