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Les faits mémorables de l'année 1569
Mémoires pour servir à l'Histoire de France
depuis 1515

Mémoires pour servir l'Histoire de france © reproduction Norbert Pousseur

1569


Louis Prince de Condé généreux et magnanime s’il en fut oncques, se trouvant si engagé dans la bataille de Jarnac qui se donna le 13 Mars 1569. qu’il fallait de nécessité fuir ou combattre, encore qu'il l’eût fait par l’avis de son conseil et de l'Amiral, hasarda avec peu de forces une bonne partie de sa noblesse, et joua par même moyen à trois dès toute la cause ( qui sont très grandes fautes en un chef de guerre et qu’il ne peut faire qu’une fois ) mais son grand cœur en fut cause, aimant mieux y laisser la vie comme il fit que de reculer, usant de ces mots quand on lui en parla A Dieu ne plaise qu’on dise jamais que Bourbon ait fuit devant ses ennemis, et fut pris prisonnier par Dargence gentilhomme qui était tenu à ce Prince de la vie, et qui fit aussi ce qu’il put pour le lui rendre, mais il ne lui fut possible pour avoir été découvert par les compagnies de Monsieur frère du Roy son ennemi, lesquels ce pauvre Prince avisant venir de loin, et ayant entendu que c’étaient les compagnies du Duc d'Anjou, je suis mort dit-il, Dargence tu ne me sauveras jamais, comme aussi arriva incontinant Montesquiou qui le tua de sang-froid, par le commandement dit-on de son maître, ce Prince s’étant couvert la face de son manteau comme fit autrefois Jules César quant il fut tué.

 

Montesquiou était Capitaine des gardes du Duc d’Anjou.


Furent adressés les vers suivants au Cardinal de Bourbon seul resté de cinq frères.

Vivit adhuc, vivetque diu, qui vindice dextra
Annixus patriœ, necadat ilia, cadit.
Quaeritis in nostrum quid fati conscia possint
Astra caput : non prisca loquar, vulgata docebit
Borboniæ fortuna domus tot fratribus orbae.
Ausonii terror Franciscus et horror Iberi
Invicus Bello ludum dum ludit inermem,
Occidit injecta mediis cervicibus arca
Quintini ad cladem circumveniente Philippo
Vinclorum impatiens, et nescia vertere terga

Theutonicis Jani virtus est obruta tello
Trajectis humeris tormenti Antonius ictu
Muros dum promit obsidione rebelles,
Communem hanc lucem et dotali a regna relinquit,
Dum veterum ritus convellit, et otia turbat
Tertia bella gerens Patrice funesta sibique
Diffudit vitam fractis Lodoicus in armis
Dimidium justi vixerunt quatuor œvi
Adversis rapti fatis florente juventa
Quum quintus fratrum è numero nunc, Carole, restes
Si tibi fata velint detractos fratribus annos,
Adjicere, explebis Pylii tria saecula regis.


François   tué à la Rocheguyon 1546

Jean tué à la journée de St Quentin 1557

Antoine Roy de Navarre mort d’une blessure reçue au siège de Rouen

Louis tué en 1569

 


La veille de la bataille de Dreux ce Prince (Louis Prince de Condé) étant couché dit à Bèze,

Il me semblait cette nuit que j’avais donné trois batailles et avais vu mes trois ennemis morts, mais que j’avais aussi été blessé à mort ; tellement toutefois que les ayant fait mettre les uns sur les autres, on m’y avait aussi mis par-dessus et que de cette façon j’avais rendu mon esprit à Dieu.

laquelle vision il semble aux Huguenots que l’effet ait été vérifié, car ses trois ennemis furent entassés les uns sur les autres, et lui sur eux à la journée de Bassac ou Jarnac ; ils dirent encore que ce Prince passant un ruisseau près le Château de Maintenon, une pauvre femme le prit par la botte en lui disant,

Va Prince tu souffriras, mais Dieu est avec toi.
- Mauvaise Prophétesse.

Le Connétable, le Maréchal de St, André, et François de Guise ses trois ennemis furent tués l’un après l’autre avant lui.
Sébastien de Luxembourg ennemi mortel des Huguenots se moquant d’eux, et des hymnes et psaumes qu’ils chantaient, leur demandait où était leur Dieu le fort et qu’il était à cette heure leur Dieu le faible, tenant lesquels propos selon l’observation des Huguenots, fut à l’instant dans la tranchée frappé d’un coup de mousquet qui le coucha mort sur la place. C’était au siège de St. Jean d’Andely.

Plus d’un an avant la Boucherie de la St. Barthélémy j’ai lu la Prophétie d’un homme de la Religion étant au lit de la mort peu avant la conclusion de la paix faite l’année suivante en ces termes :

La paix sera faite inopinément et assez à notre avantage. Nouvelles alliances, divers traités et voyages, durant ces menées, elle (->La reine) viendra à Paris et y mourra, la Noblesse de l’un et l’autre parti s’y assemblera (-> les noces), les choses commencées se parachèveront, ô quelle soudaine mutation quelles trahisons et cruautés.

 

 

Journée de  la St Barthélémy
en 1572 (le 24 août)
La Reine  de Navarre Jeanne d’Albret morte peu avant la   St. Barthélémy. Pour les Noces de Henry Roy de Navarre son fils avec Marguerite de France.


Au mois d’Avril le Comte de Brissac jeune Seigneur de grande espérance fut tué d’un coup de mousquet tiré de la petite ville de Mucidan  en reconnaissant cette bicoque que tenaient les Huguenots auxquels ce Seigneur servait de réveille-matin pour la générosité qui était en lui.

Le onze Juin le Duc des Deux-Ponts passa de ce siècle en l’autre au pays de Limousin, ce Seigneur allemand Prince du St. Empire après avoir amené au très grand besoin de ceux de la Religion, un brave et puissant secours depuis les bords du Rhin jusqu’aux dernières limites du Limousin non sans un extrême danger, et joint son armée à celle des Protestants de France, malgré les forces du Duc de Guise et du Pape, fut saisi d’une fièvre chaude causée d’avoir trop bu, et d'avoir trop fait karoux avec les Français pour la joie qu’il avait de les avoir joints et être venu à bout de son entreprise, de laquelle fièvre il mourut pourquoi fut fait sur sa mort le distique suivant,

Pons superavit aquas, superarunt pocula Pontem,
Febre tremens periit, qui tremor orbis erat.

 

De Vieux-Pont Gentilhomme âgé de 25 ans fut tué d’une arquebusade à la cuisse à l’assaut de Sancerre, le lit d’honneur auquel il mourut selon les maximes de la noblesse Française, couvrit tous les vices qui régnaient dans ce jeune homme tels et si grands que son bonhomme de père ne le voulait n'y voir n'y rencontrer, aussi Dieu ne lui prolongea-t-il pas ses jours, mais selon la parole de l’Ecclésiaste VIII, fuirent comme l’ombre, pour ce qu’il ne craignait point la face de Dieu.

Elizabeth fille de France femme de Philippe II Roy d’Espagne mourut au mois d’Octobre ; le bruit fut qu’elle avait été empoisonnée, mais ce bruit de la Cour fut plus artificiel que vrai, et ne servit peu pour le dessein de la guerre de Flandres qui s’exécuta contre l’Amiral, et les Huguenots qu’on voulait principalement prendre par ce piège, comme on fit finalement.

Entre les choses mémorables avenues en ce temps 1569. Marie Stuart veuve de notre défunt dernier Roy et Reine d*Ecosse fit mourir le Comte de Lenos son mari dans la maison où il était, laquelle ayant fait miner et renverser sans-dessus-dessous accabla, tua, et brûla misérablement le Comte son mari et tous ceux qui étaient avec lui, sur quoi Messire Michel de l'Hôpital étant en la maison de Vigny composa des vers.

 

 
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