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Quelques statues d'Angers


René d'Anjou, par Cordelier Delanoue, publié chez Mame en 1851



couverture de l'histoire de René d'Anjou    - scan  Norbert Pousseur     statue de René d'Anjou - © Norbert Pousseur      Page de garde de René D'anjou   - scan  Norbert Pousseur
RENÉ D'ANJOU

CHAPITRE I (suite 3)
LA RUE BARBETTE

Il fallait un aliment à la dévorante activité de Jean Sans-Peur. Il marcha contre les Anglais qui s'étaient saisis de Gravelines et qui assiégeaient le port de l'Écluse. Après avoir repris la première de ces places et fortifié l'autre, il songea à réaliser le projet de son père Philippe : il voulut reprendre Calais; mais le mauvais vouloir de la reine et du  duc d'Orléans l'en empêcha. Occupé à jouir et à s'enrichir tandis que son rival s'occupait à combattre, le duc d'Orléans, qui venait d'acquérir par des moyens honteux le domaine de Coucy, se conférait à lui-même le gouvernement de Normandie, et se rendait dans cette province pour y prendre possession de son nouvel office; mais Rouen refusa de lui ouvrir ses portes, et il fallut que le duc désappointé rebroussât chemin jusqu'à Paris pour solliciter de son roi malade l'investiture du gouvernement qu'il convoitait. Cette fois, Charles VI, à qui sa folie laissait un moment de relâche, voulut examiner avant de consentir. Le malheureux monarque releva sa tête humiliée et s'informa longuement de l'état de son royaume. Il apprit la détresse des finances, la misère de son peuple, la pénurie de sa propre maison. Il questionna quelques vieux conseillers de son père, et ils lui répondirent que ses sujets étaient dépouillés même de la paille de leurs lits, tandis que les princes et les seigneurs vivaient dans le faste, refusant de payer leurs dettes et maltraitant les marchands et les fermiers pour s'approprier grains et marchandises. Il demanda des nouvelles de sa femme, et l'on détourna la tête, sans lui répondre ; il fit venir le dauphin, et l'enfant avoua qu'il vivait misérablement, abandonné de sa mère et soigné seulement par sa gouvernante. A ce récit, qui le navrait, le roi pleura, et tendant la main à la pauvre femme qui avait suppléé avec tant de zèle et de fidélité à la négligence d'une mère, il la remercia avec effusion et la força d'accepter le gobelet d'or où il avait coutume de boire.
« Mais le duc ! pensa-t-il aussitôt... le duc !! lui qui fait haïr notre règne et maudire notre nom ! lui qui achemine ce royaume à sa perte et le livre sans défense à l'Angleterre !.. n'est-ce pas lui qui nous demande, à cette heure, l'investiture de ce gouvernement de Normandie ? Oh ! nous y aviserons plus tard, après le plus pressé. Faites venir le duc de Bourgogne ; faites venir tous les princes du sang ! qu'ils s'assemblent ici en conseil solennel, et qu'ils me désignent les coupables ! Je les manderai devant moi, je les forcerai à s'agenouiller, si grands qu'ils soient ! Et par Jésus ! ils rendront tout l'or et tout le sang qu'ils ont bu! Je m'en charge, moi qui suis le maître, moi qui suis le roi ! »
Obéissant à cet appel d'une voix affaiblie qui prenait comme par miracle l'accent de la volonté, les princes du sang, le duc de Berry, le duc de Bourbon, le roi de Sicile (Louis II d'Anjou), le roi de Navarre, accoururent à l'hôtel Saint-Paul. Le duc de Bourgogne, qui était à Arras, prit avec lui huit cents chevaliers bourguignons et flamands, troupe considérable qui devait se grossir en route, et marcha sur Paris.
Bientôt on apprit qu'il était à Louvres.
Cette nouvelle effraya la reine et le duc d'Orléans. Tous deux se sentaient coupables ; et, à défaut des murmures de la conscience, des signes extérieurs et menaçants se multipliaient pour les avertir. Quelques jours auparavant un furieux orage les avait assaillis au milieu d'une promenade dans la forêt de Saint-Germain. Les chevaux de leur litière les avaient emportés de la terrasse à la rivière, et peu s'en était fallu qu'ils ne périssent engloutis par les eaux. Le lendemain la foudre était tombée à l'hôtel Saint-Paul, dans la chambre même du dauphin. La reine, épouvantée de ce concours d'événements sinistres, et plus effrayée peut-être encore des retours de volonté du roi, résolut de quitter Paris et de s'enfuir à Melun et de là à Chartres avec son complice, en emmenant le dauphin.
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