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Quelques statues d'Angers


René d'Anjou, par Cordelier Delanoue, publié chez Mame en 1851



couverture de l'histoire de René d'Anjou    - scan  Norbert Pousseur     statue de René d'Anjou - © Norbert Pousseur      Page de garde de René D'anjou   - scan  Norbert Pousseur
RENÉ D'ANJOU

CHAPITRE I (suite 7)
LA RUE BARBETTE

Quand ils eurent fait une centaine de pas hors de l'hôtel de la reine, les porteurs de flambeaux qui entouraient le duc ne firent plus que raccompagner. Ils dépassèrent bientôt l'hôtel du maréchal de Rieux, et arrivèrent près de la porte Barbette. Là, sous l'auvent d'une maison de sinistre apparence, où se balançait autour d'une tringle l'image rouillée de Notre-Dame, un groupe d'hommes armés attendait. Tout à coup ils s'élancèrent, au nombre de dix-huit, et l'un d'eux, muni d'une hache, se jeta sur le duc en criant : « A mort ! à mort ! » et lui trancha du premier coup la main dont il tenait la bride de sa monture. Aux cris de mort des assaillants, le duc répondit : « Je suis le duc d'Orléans ! » et les assassins redoublèrent de coups en disant : « Tant mieux ! c'est ce que nous demandons ! »
Jeté bas de sa mule, le duc se débat un instant et tombe enfin sur le pavé, haché de blessures et le crâne horriblement ouvert. Non contents de le voir mort, ils s'acharnent sur ce cadavre, le retournent et le mutilent longtemps à grands coups de masse, de hache et d'épée. Sur le corps du pauvre duc fut tué son page, jeune Allemand qu'il avait toujours auprès de lui et qui ne voulut pas survivre à son maître. Un autre écuyer, blessé grièvement, se sauva par la rue des Rosiers et se cacha dans la première boutique venue. Quant à la mule du duc et au cheval des deux écuyers, ces bêtes avaient pris l'épouvante et galopaient avec leurs étriers vides. Les serviteurs qui les ramenèrent furent menacés par les assassins qui, las de crier : « A mort ! » criaient maintenant : « Au feu ! » En effet, d'épais tourbillons de fumée sortaient des soupiraux de la maison Notre-Dame, et l'incendie dardait ses langues de flamme. Les meurtriers lançaient des flèches aux fenêtres voisines et étouffaient les cris des bourgeois qui voulaient appeler : au meurtre ! par un redoublement de cris : au feu ! Enfin un homme de haute taille, coiffé ou plutôt masqué d'un chaperon rouge qui lui descendait sur les yeux, s'avança d'un pas dans la rue, fit taire d'un geste toute cette bande furieuse, et ordonna la retraite en disant :
« C'est bien, Raoul; éteignez tout, et allons-nous-en : il est mort. »
Cet homme, qui portait une petite masse, en frappa le cadavre du duc avant de s'éloigner.   C'était  l'adieu de  la haine.  Un instant après, la rue était devenue déserte et silencieuse, troublée seulement par le galop lointain des assassins qui s'enfuyaient, et par les confuses clameurs des gens du duc qui allaient porter la nouvelle du meurtre à l'hôtel Montaigu et à l'hôtel de Rieux.
Une grande consternation courut le lendemain par la ville. La reine, pleurante et furieuse, s'était fait porter en litière à l'hôtel Saint-Paul. Les seigneurs et les princes s'étaient assemblés dès l'aube à l'hôtel d'Anjou (rue de la Tixeranderie) pour se rendre ensemble dans l'église des Blancs-Manteaux, où le corps du duc d'Orléans avait été déposé. Le roi de Sicile, le duc de Berry et le duc de Bourbon vinrent pleurer sur ce cadavre. Le duc Jean de Bourgogne vint aussi et pleura plus haut et plus fort que les autres, s'écriant que jamais plus abominable crime n'avait effrayé le royaume. Puis il s'approcha pour baiser à son tour un coin du drap mortuaire...
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