FIG. 1. — PREMIERE ASCENSION AEROSTATIQUE
DANS UN BALLON A GAZ HYDROGENE, EXECUTEE AUX TUILERIES PAR
CHARLES ET ROBERT LE 1ER DECEMBRE 1783.
(Reproduction d'une
gravure de BOUTELOU; Collection TISSANDIER.)
Rien
ne paraît plus naturel aujourd'hui que de voir un ballon
s'élever dans l'espace ; tout le monde se rend parfaitement
compte qu'un aérostat
monte dans l'air, parce qu'il est plus léger que l'air.
Un morceau de bois, une balle de liège sont à l'eau,
ce que l'aérostat est au gaz atmosphérique. Cela
est tellement simple qu'il y aurait puérilité à insister
sur des notions aussi élémentaires; mais l'histoire
des inventions, nous fait voir que ce sont parfois les choses
les plus faciles à exécuter, auxquelles on pense
le moins. Il n'y a guère plus d'un siècle que les
frères Montgolfier ont songé pour la première
fois à remplir un grand sac en papier, d'air chaud, plus
léger que l'air ambiant. Il n'en fallait pas plus cependant
pour commencer la conquête de l'air, jusque là rebelle à l'activité humaine,
et quelque simple que soit cette première expérience
aérostatique exécutée à Annonay le
5 juin 1883, elle n'en est pas moins une des plus belles que
l'on doive au génie de l'homme. Le retentissement qu'elle
eût alors, est extraordinaire; l'influence qu'elle est
appelée à exercer sur les destinées des
peuples, est immense, et ne saurait encore être exactement
mesurée.
Quant on apprit à Paris le résultat
de cette expérience, — à cette époque
elle semblait tenir du prodige — la curiosité du
public se trouva excitée au plus haut point; l'étonnement
et l'admiration étaient à leur comble. Un professeur
de physique, très instruit et très populaire, Charles,
résolut avec le concours de deux constructeurs habiles,
les frères Robert, de répéter l'expérience
d'Annonay ; mais en croyant imiter ce qu'avaient fait les frères
Montgolfier, il créa de toutes pièces le ballon à gaz
hydrogène qui se distingue complètement du ballon à air
chaud ou Montgolfière. Le nom de Charles doit être
placé à côté de celui des Montgolfier,
parmi les premiers inventeurs de l'art aéronautique..
Ce fut le 27 août 1783 que se fit au Champ-de-Mars à Paris,
la première expérience d'un globe aérostatique.
Il était de taffetas, enduit d'un vernis imperméable,
et avait 4 mètres de diamètre. On l'avait gonflé « d'un
air inflammable très subtil » (gaz hydrogène). — « On
le portait, dit un curieux récit du temps, à travers
un peuple immense. Il pleuvait fort en ce moment; mais l'intrépide
Parisien, muni d'une lorgnette et d'un parapluie supporta constamment
la pluie. » Le globe ou ballon, s'éleva au milieu
des acclamations, et il ne tarda pas à se perdre dans
la nue. — Il descendit à Gonesse où il causa
parmi les habitants, une alarme générale
que représente la curieuse gravure ci-dessous (fig. 3).
Fig.
3. — Alarme causée à Gonesse par
la descente du premier ballon a gaz, libre, lancé au
Champ-de Mars
le 27 août 1783. |
« Deux
moines, lit-on sur la légende dont cette gravure est accompagnée,
ayant assuré des paysans que c'était la peau d'un
animal monstrueux, ils l'assaillirent à coups de pierres,
de fourches et de fléau, et le curé fut obligé de
se transporter près du ballon pour rassurer ses paroissiens épouvantés. »
Cependant le plus jeune des deux Montgolfier, Etienne, qui était
arrivé à Paris, fut invité par l'Académie
des Sciences à répéter l'expérience
d'Annonay avec un ballon gonflé à l'air chaud.
Le 19 septembre 1783, une sphère de 14 mètres environ
de diamètre, construite en toile recouverte de papier,
se gonflait à Versailles en présence du roi, de
toute la cour, au moyen de l'air chaud formé par la combustion
de la paille. La machine s'éleva, emportant dans les airs
une cage dans laquelle on avait placé un mouton, un canard
et un coq. Elle descendit dans le bois de Vaucresson à 2
kilomètres environ de son point de départ.
L'élan était donné; on ne parlait que des
globes, que de l'air inflammable, que des Montgolfier et des
préparatifs qui se faisaient pour l'exécution des
premiers voyages aériens. C'est Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes, qui montèrent pour la première
fois en ballon libre le 21 novembre 1783 dans un grand aérostat à air
chaud. Ils s'élevèrent du jardin du château
de la Muette, et descendirent, après avoir plané au-dessus
de Paris, à la butte aux Cailles. Quelques jours après,
le 1er décembre 1783, le physicien Charles et l'un des
frères Robert, exécutèrent aux Tuileries,
le premier voyage accompli dans un ballon de soie gonflé d'hydrogène,
muni d'un filet et d'une nacelle, d'une soupape pour laisser échapper
le gaz, de lest pour monter à volonté dans l'air,
d'un baromètre pour mesurer les hauteurs et d'une ancre
pour s'arrêter à la descente.
Notre figure
1 représente cette expérience mémorable,
d'après une ancienne gravure de Boutelou.
Ces ascensions eurent en France et dans toute l'Europe un succès
dont rien ne saurait donner une idée. Des ballons à gaz
et à air chaud furent construits à Paris et
en province, et lorsque le 19 janvier 1784 les frères
Montgolfier eurent lancé dans l'atmosphère,
la gigantesque montgolfière le Flesselles, globe immense
presque aussi grand que le ballon captif de Giffard en 1878
(voy. fig. 5) élevant à la fois sept voyageurs,
il n'y eut plus de bornes à la frénésie
de l'enthousiasme. Les fabriques de faïences de Nevers,
de Lille, de Lyon, de Marseille, exécutèrent
sur les ascensions de Charles, sur celles de Pilâtre et de Montgolfier, et bientôt sur celles de l'aéronaute Blanchard, ces curieuses assiettes au ballon, aujourd'hui si
recherchées des amateurs de faïences patriotiques;
les graveurs de l'époque représentaient les premiers
ballons, les épisodes des voyages aériens, et
amusaient le public de caricatures plaisantes (fig. 2 et 4).
Fig. 2. — Reproduction d'une estampe de 1783 :
Vive l'immortel Montgolfier
On
confectionnait des meubles, des montres, des bonbonnières
au ballon, et dans la collection aérostatique que nous
avons formée mon frère et moi, il n'est pas
jusqu'à des meubles, des pendules, des boutons d'habit,
voire même des gants de l'époque, sur lesquels
on ne puisse voir, incrustés, gravés, ciselés
ou peints, des ballons et des montgolfières. La composition
de la page 16 représente quelques-unes de ces curiosités
aérostatiques.
Les esprits étaient surexcités, et à côté des
artistes qui célébraient par leurs productions
les louanges de l'art nouveau, il y avait aussi de nombreux
inventeurs qui songeaient à le perfectionner.
Dès l'origine des aérostats, on s'est immédiatement
préoccupé du problème de la direction
des globes aériens; en 1783, déjà les
projets surgirent; en 1784, il n'y pas à enregistrer
moins de cinq tentatives distinctes.
Blanchard est le premier en date ; il expérimenta le
2 mars 1784, son fameux vaisseau volant. C'était un
ballon sphérique, à gaz hydrogène, dont
l'appendice portait un parachute; on pouvait manœuvrer
dans la nacelle deux ailes ou rames et un gouvernail. Mais
le résultat obtenu fut absolument nul. Avant la découverte
des Montgolfier, Blanchard avait déjà essayé de
construire sans succès un appareil de vol mécanique
que l'on voit figuré sur la composition ci-contre (p.
4).
Le 12 juin de la même année, on vit s'élever, à Dijon,
l'appareil dirigeable construit sous les auspices de Guyton
de Morveau, par les soins de l'Académie de Dijon. Le
célèbre physicien avait imaginé de fixer à l'équateur
d'un aérostat sphérique un cercle de bois, portant d'une
part, deux grandes palettes formées de soie tendue sur
un cadre rigide, et d'autre part un gouvernail. En outre, deux
rames placées entre la proue et le gouvernail étaient
destinées à battre l'air comme les ailes d'un
oiseau. Tous ces organes se manœuvraient à l'aide
de cordes par les aéronautes dans la nacelle. C'est
avec ces moyens d'action que Guyton de Morveau, de Virly et
l'abbé Bertrand essayèrent de se diriger dans
les airs ; les expériences furent continuées
longtemps, avec une grande persévérance, mais
sans aucun succès. L'Académie de Dijon, on doit
le reconnaître, ne recula, pour les mener à bonne
fin, devant aucune dépense.
Le 15 juillet 1784, les frères Robert exécutèrent à Saint-Cloud,
en présence de toute la cour, une très curieuse
ascension, qu'ils avaient organisée avec le concours
du duc de Chartres, amateur passionné de l'aérostation
naissante, et qui les accompagna dans leur voyage.
Les frères Robert abandonnaient pour la première
fois la forme sphérique du ballon et employaient un
aérostat cylindrique allongé; la nacelle, également
allongée, était munie de « cinq parasols
ou ailes de taffetas bleu en forme de rames » qui devaient
servir de propulseurs et d'un grand gouvernail rectangulaire.
L'ascension s'exécuta très heureusement, et la
descente eut lieu dans le parc de Meudon, sans que les rames
toutefois aient exercé la moindre influence sur la marche
du ballon.
Il ne pouvait guère en être autrement avec des
moyens d'action si primitifs ; mais on oubliait vite ces insuccès
pour ne songer qu'aux avantages que la machine aérostatique
offrait à l'homme en lui permettant de s'élever
dans les airs.
Comme il arrive souvent, la voix de la foule, vox populi, ne
se trompait pus en chantant les louanges de l'art nouveau qui
venait d'accroître si brillamment le domaine des inventions
humaines. Cette grande voix, en acclamant les Montgolfier,
les Charles et les Pilâtre de Rozier, faisait entendre
au monde que la conquête de l'air était accomplie.
Mais cette conquête, qui avait exigé les efforts
du génie, la persévérance de l'inventeur
et l'audace de l'explorateur, devait comme tant d'autres hélas
! être consacrée par le sang des martyrs.
C'est Pilâtre de Rozier, qui le premier, inscrivit son
nom sur la longue liste des victimes de la navigation aérienne.
Ce jeune physicien voulut franchir la Manche, dans un appareil
formé d'un ballon à gaz au-dessous duquel était
placé un aérostat cylindrique gonflé d'air
chaud. Il s'éleva de Boulogne le 18 juin 1785, en compagnie
d'un de ses assistants nommé Romain. Sans qu'on ait
pu expliquer la cause de la catastrophe, l'appareil fut précipité du
haut des airs. Quelques spectateurs terrifiés accoururent.
Pilâtre de Rozier et Romain allaient être brisés
sur le rivage ! (cette partie de texte s'arrête là - ndt)
Fig. 4. — Caricature
du temps de l'origine des aérostats.
La caisse des
ballons ou les commis de douanes effrayés.
(Gravure
de la collection Tissandier.)
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